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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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mieux amarrer les sacrées caisses des gars de Portsmouth ! On va vers le gros temps. Faudrait pas qu'elles dansent la gigue dans l'entrepont ! lança le maître d'équipage, interrompant la conversation.
     
    – Excusez, monsieur, j'ai du travail, dit Tom en s'éloignant vers une écoutille entrebâillée.
     
    « Ces caisses, que peuvent-elles contenir de si précieux ? » se demanda Charles, qui savait, comme tout le monde à bord, que les deux hommes embarqués à Liverpool occupaient une chambre dans l'entrepont, près du poste d'équipage. Il se promit d'examiner de près ces caisses dès que l'occasion s'en présenterait.
     
    La descente du Saint George, malgré un vent de sud-ouest capricieux, ne prit que quarante-huit heures au cours desquelles Desteyrac, le terrien, s'amarina sans le moindre malaise, ce qui lui valut les félicitations du second lieutenant Tilloy et du major Carver. Il n'en fut pas de même pour Malcolm Murray, qui ne quitta pas la chambre. En proie au mal de mer, il réclama l'assistance du médecin du bord, le docteur David Kermor, chirurgien-major retraité de la Navy et apothicaire.
     
    – Qu'avez-vous prescrit à notre malade ? demanda Charles au praticien, à l'heure du dîner.
     
    – D'abord de cesser de boire alternativement du thé et du gin, et de manger jusqu'à ce que son estomac se décourage de restituer la nourriture, dit le médecin.
     
    – Celui qui découvrira le remède contre le mal de mer fera fortune, n'est-ce pas Uncle Dave ? dit le major.
     
    – Comme celui qui blanchira les nègres, major ! Contre le mal de mer, on a tout essayé depuis les Argonautes. J'ai connu un capitaine qui faisait mâcher du papier journal aux marins malades. Il ne voulait pas gâcher les vivres du bord. J'en ai connu un autre qui faisait attacher les nauséeux à la lisse pour qu'ils ne souillent pas son bateau. Les uns conseillent de boire du thé très fort, d'avaler un sirop de café, de prendre du bromure ou du chloral perlé. Un Américain suggère de porter une ceinture abdominale pour éviter le ballottement des intestins, d'où viendrait le mal. Croyez-moi, messieurs, la patience, une obstination à s'emplir la panse, qui comme la nature a horreur du vide, et la recherche de distractions exigeant de la concentration, comme le jeu de tarots ou d'échecs, sont les meilleurs palliatifs, conclut le médecin.
     
    – La mer a une certaine façon d'accueillir les voyageurs. Ceux qui lui plaisent n'ont pas de nausées. Les autres souffrent plus ou moins longtemps. Le temps que mesdames les vagues s'habituent à leur présence…, dit Hocker, l'écrivain du bord.
     
    – Superstitions ! lâcha le second.
     
    – Et comment se comportent nos invisibles passagères ? risqua Charles.
     
    – Très bien, gaies comme des colibris. Elles font des patiences. Alors que les femmes sont d'ordinaire plus sensibles au mal de mer que les hommes, ces dames s'accommodent parfaitement du tangage et du roulis. Seul leur chien, désorienté par la mouvance du parquet, tire la langue, halète, refuse sa pâtée et paraît prêt à sauter par-dessus bord, dit le médecin.
     
    – Laissez-le faire et, au besoin, facilitez-lui le saut, grogna Philip Rodney, qui, comme l'illustre Goethe, détestait les chiens.
     
    Malcolm Murray ne reparut, encore pâle mais l'œil vif, qu'au cinquième jour de navigation, au moment où disparaissaient la côte irlandaise, le cap Clear et l'îlot de Fastnet, qu'il désigna à Charles d'un geste assuré.
     
    – En celte ancien, fastnet veut dire adieu. C'est bien nommer ce bout de rocher, le dernier d'Europe que nous verrons, mon cher. Car nous entrons dans l'Atlantique. Le steward m'a dit que, si tout va bien, le Phoenix , qui peut filer dix et même douze nœuds, parcourra en huit jours les quelque mille milles qui nous séparent des Açores… et moi de la liberté !
     
    – D'après M. Rodney, le second, nous aurons demain des vents d'ouest qui freineront notre marche, mais, en piquant vers le sud, nous trouverons de bons vents du nord qui l'accéléreront, précisa Desteyrac.
     
    Ces considérations ne semblaient pas intéresser Murray. Il regardait avec insistance vers l'arrière.
     
    – Avez-vous vu nos trop discrètes passagères ? demanda-t-il.
     
    – Seulement entrevues de loin, hier après-midi. Elles se montrèrent à la lisse, près du rouf, au moment où nous franchissions le passage le plus étroit du Saint George,

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