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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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inattendue fraîcheur. Murray désigna un rafraîchissoir de métal et de marbre.
     
    – Nous avons à bord une glacière qui contient deux tonnes de glace, mon cher, comme nous avons deux vaches, dont vous buvez le lait et qui empuantissent l'entrepont. Il y a même un poulailler et un cochon, que l'on tuera en cas de famine, ce qui vaut mieux que cuire un mousse ! ironisa Murray.
     
    – Je n'imaginais pas, en mer, un tel confort, observa Desteyrac.
     
    – Lord Simon exige, sur son bateau, les mêmes commodités que dans un château. Quand il voyage à bord du Phoenix pour se rendre à Nassau, à Charleston ou à Boston, il entend ne rien changer à ses habitudes de landlord . Dans son appartement de l'arrière, que seul Carver peut occuper quand mon oncle ne navigue pas, il y a même un orgue ! précisa Murray, toujours ironique.
     
    – N'y a-t-il pas un deuxième appartement à l'arrière ? demanda Charles.
     
    Il voulait savoir si Murray était informé de la présence à bord des deux femmes embarquées au cours de la nuit. La réponse du jeune homme prouva son ignorance.
     
    – Eh oui ! Il existe un second appartement. Je pensais qu'il me serait dévolu, mais l'insolent major, âme damnée de mon oncle, soutenu par Colson, qui se prend pour l'amiral de la flotte Cornfield, me l'a refusé ! pesta Malcolm.
     
    – Sans doute parce que ces chambres sont, depuis cette nuit, occupées par deux dames, que j'ai vues monter à bord pendant que vous dormiez, révéla Charles.
     
    Murray sursauta et posa sa chope sur un guéridon avec une telle brutalité qu'un peu de bière jaillit sur le plateau d'acajou.
     
    – Des femmes… des femmes à bord ? My God ! Mais qui sont-elles ? Le savez-vous ?
     
    – Elles ont été conduites par une troisième dame que j'ai vue repartir. Ces personnes sont accompagnées d'un petit bichon aboyeur, dit Charles, jouissant de l'étonnement de Murray.
     
    – Il faut absolument que je sache qui sont ces femelles et que je me fasse présenter. De quoi, tout de même, agrémenter la traversée, non ? lança gaiement Malcolm.
     
    – À mon avis, ces dames tiennent à l'incognito. D'ailleurs, l'accès à l'arrière est clos et gardé, précisa Charles.
     
    – C'est encore plus excitant, mon cher. Pensez donc, ces passagères sont certainement anglaises et femmes de qualité… puisqu'elles voyagent avec un chien ! Je saurai qui elles sont, devrais-je, pour les approcher, grimper dans les haubans et sauter sur le gaillard d'arrière, déclara Murray, péremptoire.
     
    Pendant cet échange, Charles avait observé Mortimer. Le domestique, qui devait être depuis longtemps au service de Murray, semblait avoir avec son maître la familiarité équivoque, à la fois obséquieuse et impertinente, du factotum indispensable. Grand et fort, vêtu de noir, l'homme au visage sévère offrait l'aspect extérieur d'un clergyman covenantaire. Les vestiges de son système pileux, concentrés en épais favoris bruns, encadraient un visage à ce point dénué d'expression qu'on l'eût cru taillé dans du bois. Son comportement, comme sa façon de servir, révélait une aisance professionnelle teintée de morgue. Ayant remarqué que l'invité de son maître l'observait, il dédia à Charles un sourire contraint et morose. Le Français, se souvenant de la réflexion du capitaine Lewis Colson lors du dîner de la veille, attribua cette attitude au fait que ce maître Jacques devait souffrir d'avoir été relégué dans le poste d'équipage, parmi des hommes grossiers. Nul doute qu'il serait bien aise de quitter le navire aux Açores.
     
    La cloche tinta trois fois pour annoncer un changement de quart, et Desteyrac, prenant congé de Murray, se rendit dans sa chambre pour attendre l'heure du dîner, auquel le neveu de Cornfield ne daigna pas paraître.
     
    En revanche, Philip Rodney, que Charles ne connaissait pas encore, présida la tablée, le commandant restant sur la dunette jusqu'à ce que le voilier fût sorti de l'estuaire encombré de navires de tous tonnages. Le premier lieutenant correspondait, pour Charles, à l'archétype du vieux loup de mer des romans d'aventure. Puissant, taciturne, à la fois timide et bourru, il passait pour un manœuvrier intrépide. Il avait refusé tout commandement pour rester l'officier en second du Phoenix sous les ordres de Colson, qu'il admirait et de qui il prévoyait les réactions par tous les temps. À la fois estimé et

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