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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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j’at… »
    L’horreur de la mort, tout à coup, se plaqua sur son visage ; une mousse de sang rougit sa bouche ; il s’abattit.
    Foscari se pencha, le toucha, puis se releva :
    « Messieurs, votre pair Jean Davila est mort… »
    Silencieusement, les juges se découvrirent.
    « Mort, continua Foscari, mort en accomplissant son devoir, mort en attestant que cette femme nous a dit la vérité !… »
    Un râle funèbre lui répondit… Tous se retournèrent…
    Et ils la virent, aussi blanche que Davila, se traîner vers la porte, l’ouvrir de ses mains convulsivement agitées, et s’en aller, lentement, courbée, dans une douleur sans nom…
    En même temps, les clameurs lointaines se rapprochèrent et retentirent avec une violence de tempête.
    « Messieurs, cria Foscari, dont les yeux flamboyèrent alors, demain nous déciderons la peine qu’il convient d’appliquer à Roland Candiano. Ce soir, étouffons la révolte !… Altieri, vous avez le commandement des hommes d’armes… Messieurs, l’émeute gronde… Chacun à votre poste de bataille !… »
    Altieri, d’un bond, s’élança sur les traces de Léonore.
    Foscari demeura le dernier.
    Au moment où, ayant regardé avec un énigmatique sourire le cadavre de Jean Davila, il allait s’éloigner, un homme parut et se courba très bas devant lui en murmurant :
    « Ai-je bien travaillé pour votre gloire et votre puissance, maître ?
    – Oui, Barbo, dit Foscari ;
tu as bien travaillé ;
tu es un serviteur formidable. Va, nous compterons ensemble, quand…
    – Quand vous serez doge de Venise et maître de la haute Italie, monseigneur ! »
    Sur la place Saint-Marc, des arquebusades éclataient parmi des hurlements, des imprécations et des clameurs furieuses…
    q

Chapitre 5 L’OURAGAN
    D ans la salle des Doges, nul ne s’était d’abord aperçu de l’absence de Léonore Dandolo. Son père lui-même, absorbé par ses pensées, n’avait pas vu la jeune fille s’éloigner.
    Quelles pensées ?…
    Dandolo était ruiné. Dernier représentant d’une famille illustre, il supportait avec une impatience irritée la médiocrité présente. Il rêvait la restauration de son influence dans l’Etat. De sourdes ambitions gonflaient cette âme faible.
    Cependant le temps passait. La foule des invités, qui avait d’abord attendu en silence, paraissait maintenant nerveuse et agitée. Autour du doge Gandiano et de la dogaresse Silvia, un grand vide s’était fait lentement.
    Le vieillard ne semblait pas s’apercevoir qu’il était comme un étranger dans son palais… Ses yeux demeuraient obstinément fixés sur la grande porte du fond.
    Roland était sorti par là ; c’est par là qu’il devait rentrer.
    Tout à coup, cette porte s’ouvrit. Candiano se dressa tout droit.
    « Mon fils ! » cria-t-il dans un élan de joie.
    Mais il demeura stupéfait, assailli soudain de sinistres pressentiments ; ce n’était pas Roland qui venait d’apparaître… c’était Léonore !
    Léonore, blanche, les yeux hagards, chancelante…
    A ce moment même, les grondements de la place Saint-Marc éclatèrent avec une intensité de tonnerre. Dans la salle des Doges, une clameur furieuse répondit à ces grondements, et plus de cinq cents seigneurs se ruèrent, l’épée haute, vers l’escalier des Géants.
    « Vive Candiano ! Vive la liberté ! tonnait le peuple.
    – Mort aux rebelles ! » hurlèrent les invités du doge.
    Un formidable tourbillon enveloppa le doge à l’instant où, la tête perdue, il s’élançait vers Léonore, en jetant un cri terrible :
    « Mon fils ! Qu’est devenu mon fils ?… »
    Léonore, à bout de forces, allait s’affaisser lorsqu’un homme qui accourait derrière elle la saisit en frémissant.
    C’était Altieri ! Il enleva la jeune fille évanouie et marcha sur Dandolo qui, sombre, épouvanté, se demandait s’il n’allait pas se noyer dans le naufrage de la famille Candiano.
    « Que se passe-t-il ? balbutia Dandolo. Ces cris… ma fille évanouie !… Où est Roland Candiano ?… »
    Altieri, avec une sauvage ivresse, pressa la jeune fille sur son sein. Et dans ce mouvement convulsif, ce fut comme une prise de possession… la conquête violente des traîtres de jadis !
    « Ce qui se passe ! dit-il sourdement. Regardez autour de vous, Dandolo ; regardez ! »
    Cent hommes entouraient le vieux Candiano qui, les yeux sanglants, échevelé, terrible, avait tiré son épée

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