Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
duquel mugissait et déferlait la houle de tempête d’un peuple en pleine émeute.
    Léonore, en la voyant disparaître dans le remous de la foule, tendit ses bras vers elle et cria, sanglotante :
    « Mère ! mère ! j’ai menti ! Mon cœur est à lui, toujours ! »
    Elle voulut s’élancer.
    Mais elle était à bout de forces : elle tomba à la renverse dans les bras de son père qui la souleva, l’emporta en courant.
    q

Chapitre 6 LA DESCENTE AUX ENFERS
    E n sortant de la salle des Doges, escorté de l’Inquisiteur, Roland Candiano avait rapidement traversé les trois pièces désertes qui précédaient la salle du Conseil des Dix.
    Foscari ouvrit une porte, et dit :
    « Entrez là… vous serez appelé dans quelques instants. »
    Roland eut une courte hésitation, puis il entra !…
    Toute sa vie, il devait se rappeler cette seconde d’hésitation qui, en ce moment, lui parut étrange et qu’il se reprocha même comme une faiblesse !…
    Une fois qu’il fut entré, la porte se referma doucement. Cinq minutes s’écoulèrent, puis dix… puis dix autres encore… puis une heure…
    Dès les premiers moments d’impatience, Roland voulut ouvrir la porte : elle était hermétiquement fermée.
    « Voyons, se dit-il, gardons tout notre sang-froid. Il a pu se passer tel incident de forme qui retarde le moment où je dois parler aux juges… et puis, je m’exagère sans doute la longueur du temps écoulé… »
    Cependant, malgré sa force d’âme, Roland commençait à ne plus être maître de lui.
    Ce fut à ce moment que la porte s’ouvrit, et dans une sorte de lumière confuse, Roland aperçut de vagues lueurs d’aciers ; quelque chose comme une bête énorme, ou plutôt un assemblage de bêtes fabuleuses, dignes d’un cauchemar, grouillant devant lui ; c’étaient des êtres vêtus d’acier, et cela se hérissait de pointes d’acier aiguës, effilées, tranchantes, insaisissables…
    En même temps, les êtres informes qu’il avait entrevus se mirent en mouvement. Et ces êtres, c’étaient vingt hommes, la tête et le visage casqués de fer, la poitrine, les bras et les jambes cuirassés… des hommes d’acier qui s’avançaient d’un pas lent, uniforme, sans un mot, sans un cri !…
    Et chacun d’eux croisait sa lance, une lance au bois très court, avec une immense lame d’acier emmanchée, tranchante sur les deux côtés, aiguë comme un poignard…
    Cela formait une vision d’épouvante, un hérissement de bête apocalyptique… et c’était silencieux.
    Roland, lui aussi, se taisait… Quelle parole eût pu rendre le délire de sa pensée ! Seulement, d’instant en instant, il essayait de saisir l’une des piques, et à chaque fois, un nouveau jet de sang jaillissait de ses bras ; il se baissa, se jeta à plat ventre, essaya de passer par-dessous, et il sentit les piques sur son front…
    Il reculait, reculait encore, écumant, haletant… il recula jusqu’au mur, et dans un éclair de lucidité que lui laissa cette lutte hideuse, il se dit qu’il allait mourir là…
    Mais non !… Derrière lui, le mur se fendit, s’ouvrit ; une porte secrète béa… les piques avancèrent… Il sentit le froid de l’acier sur sa gorge, il recula, s’enfonça dans un couloir sombre…
    Dans le couloir, les hommes bardés d’acier, hérissés d’acier, entrèrent après lui, et continuèrent à avancer du même pas très lent, dans le même silence… Il recula. Il descendit ainsi un escalier, puis un autre ; puis il fut poussé dans un autre couloir et aboutit enfin à une large voûte éclairée dont la vue soudaine lui arracha enfin une clameur d’atroce désespoir :
    « Le Pont des Soupirs !… oh ! le Pont des Soupirs !… »
    Il comprenait enfin où on le poussait !
    Soudain, sous les pointes placées sur sa poitrine, il fut acculé à une sorte de niche en pierre… et à peine y fut-il que des chaînes, enroulées à ses pieds, à ses bras, à sa poitrine, le réduisirent à l’impuissance…
    Alors la troupe silencieuse disparut.
    Hagard, presque insensé, Roland regarda devant lui…
    Et devant lui, bien en face, il vit la chaise de pierre sur laquelle on faisait asseoir les condamnés pour les exécuter… non pour les tuer… mais pour une exécution plus effroyable que la mort.
    Roland eut deux minutes de répit.
    Alors, du bout du pont, il vit marcher vers lui un groupe d’hommes. Ils s’arrêtèrent devant la chaise de pierre – la chaise

Weitere Kostenlose Bücher