Le porteur de mort
méritait son sort. J’ai fait ce qui était légal et juste.
— Juste, il se peut, mais légal ? corrigea Corbett.
Ranulf se redressa, fouilla sous son justaucorps et sortit un petit rollet de parchemin qu’il tendit au magistrat.
— Légal, maintint-il, juste et légitime !
Corbett déroula le vélin et lut : « Ce que le porteur de cette lettre a accompli, il l’a accompli pour le bien du roi et la sécurité du royaume. »
— Eh bien, Ranulf, commenta-t-il en levant les yeux, tu deviens des plus avisés.
— « Car les enfants de ce monde, cita Ranulf, sont plus avisés quand il s’agit des leurs que ne le sont les enfants de la lumière. »
— Penses-tu être un enfant de la lumière, Ranulf ?
— Non, Sir Hugh.
Il effleura la joue de Corbett.
— Je me contente de travailler pour eux.
NOTE DE L’AUTEUR
Ce roman mélange différents thèmes. Mon livre Le Grand Vol des joyaux de la Couronne en 1303 fait un récit approfondi et détaillé de l’un des vols les plus scandaleux dans l’histoire du crime en Angleterre. Richard Puddlicott et sa bande ont réellement existé. Ils ont suborné et séduit la communauté monastique de Westminster, chose qui, parfois, n’était pas difficile ! Édouard envoya à Londres son fidèle clerc John de Drokensford (dont s’inspire le personnage de Corbett) pour mettre fin à la crise. Drokensford fit un travail extrêmement minutieux. Quand arriva Noël 1303, il avait déjà enfermé à la Tour la plupart des membres de la bande. Une grande part du trésor fut restituée et on construisit un bâtiment spécial pour l’y mettre, bien qu’en fin de compte les joyaux royaux furent amenés à la Tour où ils sont encore exposés aujourd’hui. Puddlicott finit pendu et fut conduit à la potence dans une brouette. On l’écorcha vif, ce dont on peut encore voir des traces sur une porte de l’abbaye de Westminster.
John Le Riche, alias John Ramage, était né à Westminster et servait les moines ; sa mère vivait près de St Giles, à Cripplegate. John avait une réputation épouvantable et avait été impliqué dans d’autres méfaits. À l’époque du vol, on l’avait vu aller et venir dans l’abbaye. Il fut soudain en possession d’une fortune inattendue et put s’équiper comme un chevalier avec chevaux et armes. Il eut même l’audace de se costumer en soldat pour rejoindre l’armée du roi dans le Nord. Mais l’essentiel du courage étant la discrétion, Ramage retourna à Westminster où il fut hébergé par les moines. Après le vol, il se vanta d’avoir assez d’argent pour acheter une ville ! Il cacha chez sa mère une partie du trésor volé avant de la changer de place afin d’échapper aux enquêteurs du souverain. Il aurait dû être arrêté, mais s’enfuit sans laisser de trace. Ma version de sa fin pourrait bien être juste : les hors-la-loi de la trempe de Le Riche mouraient rarement dans leur lit.
Plusieurs chroniques rapportent qu’Édouard I er a été attaqué par des assassins en Terre sainte. Des historiens contestent que l’incident ait réellement eu lieu ; je ne partage pas cette opinion. Le Sagittaire, équivalent médiéval de notre tireur fou, était un phénomène banal, noté aussi bien dans les chroniques de Londres que dans le Calendrier des Rôles des Coroners et des assises variées qui se sont tenues dans la capitale à cette période. L’aspect juridique de l’enquête de Corbett est un juste reflet des temps. On redoutait beaucoup les « hommes du roi ». Ils disposaient littéralement du droit de vie et de mort. De plus, l’individu qui se montrait rétif pouvait être cité devant le Banc du roi au château de Westminster, ce qui pouvait signifier un long et coûteux séjour à Londres !
La chute d’Acre, telle qu’elle est décrite dans le roman, est exacte. Les templiers résistèrent jusqu’au dernier et la prise de la ville mit fin à tout espoir pour les armées d’Occident de reprendre la Terre sainte.
En 1306, Philippe le Bel lança son infâme attaque contre les templiers et détruisit totalement l’ordre.
Les Frères du Libre Esprit ne sont pas que pure fiction. Des groupes errants de ce type infestaient l’Europe. Certains étaient plutôt inoffensifs ; d’autres menaçaient vraiment la vie et la sécurité. Les chroniques les décrivent en termes très imagés ; il est donc facile de les dépeindre vagabondant sur les routes de France, d’Espagne
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