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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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l’escorte de reculer. Corbett s’efforça de ne pas penser à ce tueur de cauchemar, arc dressé, flèche encochée, qui se glissait entre les arbres en quête d’une victime. Tout ne fut d’abord que chaos et confusion. Corbett organisa une ligne de défense avec quelques soldats chargés de surveiller la rangée d’arbres pendant que les autres se retranchaient dans le bâtiment.
    — Rien ! s’exclama Robert de Scott. Je ne vois rien du tout.
    Le magistrat choisit dix hommes, les conduisit sous les arbres, les fit se déployer et se déplacer vers un point qu’il estimait être à portée de flèche. Le trajet, dans ce plus froid des Purgatoires, était périlleux. Les arbres et les ajoncs ployaient sous le gel et la neige, dans un silence à vous glacer le coeur. Il finit par rappeler ses dix compagnons, s’éloigna des arbres et fit allumer le bûcher. On déversa des seaux d’huile sur le bois, les fougères et les corps qu’ils dissimulaient. Le père Thomas bénit derechef le bûcher et, usant du goupillon et du bénitier qu’il avait apportés, l’aspergea d’eau bénite. On récita un Pater et trois Ave, puis on lança les torches. Tout le monde recula quand les flammes rugirent et que la fumée noire monta en volutes entre les arbres.
    — On la verra à Mistleham, déclara Maître Claypole.
    — Alors on saura ce qui se passe, répondit Corbett. La justice de Dieu et celle du roi sont accomplies.

 
    CHAPITRE VI
    « Nous désirons réparer promptement cet outrage. »
    Lettre d’Édouard I er , 6 juin 1303.
    Lady Hawisa s’occupait du vaste enclos réservé aux simples dans l’enceinte du manoir. Malgré la neige et la glace, les cieux gris et l’air vif, elle aimait y venir, se retrouver seule. Elle s’était déjà rendue aux cuisines, avait vérifié les tranchoirs en bois de hêtre, les pichets d’étain, les cornes à boire, ainsi que les coutelas, les couperets et les couteaux des cuisiniers avant d’inspecter avec attention les fours et les foyers. Elle voulait être certaine que tout était propre et en état de marche, y compris le rochet utilisé pour le grand chaudron et le soufflet pour attiser les flammes. Tout devait être parfait et prêt à servir. Lady Hawisa mettait son point d’honneur à être affairée comme une nonne respectant les heures et passant d’une tâche à l’autre. Elle était aussi allée à la dépense et aux garde-manger où les fruits acides récoltés l’automne précédent avaient été engrangés, retournés et transformés en confitures, gelées et conserves. Enfin elle avait veillé à la préparation du souper, tout spécialement à celle du blanc-manger de veau agrémenté de crème, d’amandes, d’oeufs et de quelques-unes de ces herbes aromatiques séchées et coupées menu. Lady Hawisa ne voulait pas penser, se laisser aller, réfléchir au tumulte des sentiments qui tourbillonnait en elle, telle une fumée noire prisonnière du conduit d’une cheminée. Elle sourit en pensant à Ranulf-atte-Newgate, puis s’empourpra. Il était si beau, si courtois !
    — Allons, soupira-t-elle, quand les clercs reviendront-ils de Mordern ?
    Un messager royal, porteur de lettres pour le shérif de Colchester, s’était arrêté au manoir. Il devait remettre une sacoche de la chancellerie à Sir Hugh dès son retour. Elle contenait les ordres stricts donnés au clerc. Lady Hawisa sursauta en entendant les cris poussés par une servante qui se tenait près d’une croisée ouvrant sur le courtil. Elle suivit la direction du regard de la jouvencelle et aperçut le sombre nuage de fumée qui s’élevait au-dessus de la forêt de Mordern comme un démon, informe, mais pressé, désireux de s’échapper dans le ciel gris.
    — Ils brûlent les corps, s’écria la servante.
    Lady Hawisa acquiesça et, d’un signe de la main, lui signifia de se retirer. Elle contempla le nuage menaçant qui dérivait et sentit monter en elle toute la haine, le ressentiment et la rage qui s’étaient accumulés. Elle descendit l’allée et se retrouva près de l’Hortus Mortis – le jardin de la Mort –, un carré réservé aux plantes qui, en toute petite quantité, pouvaient guérir, mais qui, utilisées à mauvais escient, pouvaient aussi tuer en un clin d’oeil. Sa favorite était la belladone, la fatale belle-dame, qui la fascinait, la harcelait dans ses cauchemars. Elle s’agenouilla et l’examina. Puisque c’était le milieu de l’hiver, la

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