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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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femmes et pucelles de Tortisambert… J’en ai pitié…
    Il y eut un silence. Le chemin se creusait. On voyait, sur le renflement des talus, des herbes et brindilles emperlées où frémissaient des filandres.
    – Tu ne connais rien, Castelreng, aux plaisirs de la guerre… Par Notre-Dame !
    Tristan ricana :
    – Holà ! Tu invoques Notre-Dame et fais violer des êtres à sa semblance !
    Un cri jaillit à l’arrière :
    – Vas-tu, Bertrand, le laisser encore nous ramposner 377  !
    Le Breton se détourna :
    – Oui… Parce qu’il ne manque ni de cœur ni de hardement !… Au moins, il ne bêle point : «  Oui. Bertrand… Soit, Bertrand… À ta guise. Bertrand… »
    Et tourné vers Tristan :
    – Va falloir que tu leur montres que tu en as !
    Ils avançaient maintenant par à-coups, sans crainte d’embuscade.
    De-ci, de-là, des branches basses les obligeaient à se courber. Les archegaies et les alénas 378 se penchaient et dans les dos les arcs et les arbalètes. La plupart de ces guerriers d’aventure souriaient, confiants en leur chef. À la raideur de son visage, au vague de son regard, il n’était pas douteux qu’il méditait et maîtrisait les tremblements d’une agitation obscure.
    – Où comptes-tu aller ? lui demanda Tristan.
    Un bras chargé de fer se tendit :
    – Le Pas-du-Breuil… J’ai envoyé là-bas quelques coureurs hier soir. Je sais que Jouel y est, qu’il ne nous attend point, qu’il n’a pas disposé ses regards 379 à l’entour… Je vais m’en approcher aisément. Nous sommes maintenant à moins de deux lieues…
    La voix épaisse s’était effilée. Elle sifflait, à présent que le Breton se déchargeait d’un courroux mortel. Il remua une main gonflée de chair et de mailles, comme repue d’avoir donné des coups.
    – Par les yeux de ma bien-aimée, ils vont voir !
    Avait-il seulement une fiancée ? En ce cas, c’était une femme à sa semblance : une gaupe.
    – On gagnera. Ce pays – en moins beau – rappelle la Bretagne.
    Du menton, Guesclin désignait sur la terre montueuse, ici, une lande, là, une genêtière, plus loin une forêt d’où montaient des fumées.
    – Est-ce là ?
    – Possible… Souviens-toi, Castelreng : jamais de front. Il est vain de faire haier 380 les gens de guerre, les uns à cheval, les piétons derrière, face à un ennemi disposé mêmement. La vraie guerre, ma guerre, c’est la fallace 381 vile, mais glorieuse en son résultat. Assaillir par les flancs sans tambour ni trompette, frapper dans le dos avec hâte et délices. La loyauté n’est point mon fort surtout avec les gars du parti de Montfort… si j’ose dire. Je ne suis loyal que devant le roi, la roine et messire Charles de Blois… en m’éloignant de ce dernier parce qu’il pue.
    Et soudain, la main derechef tendue :
    – Regardez, compères, ces toiles d’araigne, là, entre les branches… Des centaines !… Par sainte Blandine, on dirait une étoffe légère… un lambeau de la robe de Morgane… Hé, Paindorge, écuyer de mon cul ; on dit, de Rennes à Dinan, que je suis le plus laid des hommes. Qu’en penses-tu ?
    C’était un piège, une provocation lourdaude, à l’image de son inventeur.
    – Je ne connais ni Rennes ni Dinan, à plus forte raison les hommes qui y vivent.
    – Tu t’en tires bien… Heureusement pour toi… Je suis un oiseau de proie. Merlin a dit un jour : «  Un aigle sortira de Petite-Bretagne. Il sera de la condition de l’étourneau. Malheur à qui tombera dans ses griffes. » C’est moi.
    – Je connais, dit Tristan, l’aigle noire de tes armes. Pourquoi ne l’arbores-tu pas ?
    – Un si petit combat ? Ça n’en vaut pas la peine… J’ai fait du chemin : Pontorson, Fougeray, Melun… J’aurais aimé être à Poitiers, à Brignais, surtout.
    – De quel côté ?
    Quelque acérée que fût la flèche, le Breton ne la sentit pas. Entré une fois de plus dans une phase tranquille, il goûtait à l’avance aux fruits de la victoire. Passant par l’intérieur d’un hameau en ruine où l’on voyait quelques corps noirs et des corbeaux sautillants, il commenta : « Anglais ou Navarrais… Peut-être les deux ensemble », et ce fut tout. Les sabots crépitaient sur des cailloux. Tendus, moroses, les visages n’exprimaient rien d’autre que la fatigue de l’orgie passée ou le regret des cuvailles taries.
    – Orriz, Couzic… Allez jusqu’à cette forêt. Voyez si nous

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