Le poursuivant d'amour
Le 18 décembre 1361, Jean le Bon prend possession de la Bourgogne. Sitôt après l’annexion de ce duché, les affaires du royaume étant préoccupantes, il mande auprès de lui, dans son logis d’Auxerre, un chevalier dont il a pu estimer la vaillance sur le champ de bataille de Poitiers-Maupertuis : Tristan de Castelreng. Il lui enjoint de se rendre à Lyon afin de découvrir où se sont réunis quelques milliers de routiers qui, sans doute, attendent la venue de Charles II de Navarre. Gendre du roi et grand fauteur de troubles, celui qui fut surnommé le Mauvais n’a jamais cessé, souvent à bon droit, de contrecarrer son beau-père. Que ces écorcheurs de tout poil l’élisent pour suzerain, et le trône usurpé des Valois branlera sur son socle.
Avant même d’avoir accompli sa mission, Tristan tombe au pouvoir d’une aventurière : Perrette Darnichot, épouse de Jean III de Chalon-Auxerre. Il se morfond de longues semaines dans une cellule où il subit les affres du froid et de la faim, ignorant ce qu’on lui reproche et ce qu’on attend de lui. Alors qu’il doute de pouvoir recouvrer la liberté, un autre prisonnier, Tiercelet, vient partager son sort. Homme solide au franc-parler, ce manant déteste la noblesse et particulièrement les chevaliers. Survivant de la répression exercée contre les auteurs de la Jacquerie après qu’ils eurent dévasté le Beauvaisis, cet ancien mailleur (398) de Chambly a pour dessein de quitter la Bourgogne afin de rejoindre à Lyon des compères de son acabit. Astucieux et moins renégat qu’il n’y paraît, il aide le jeune chevalier de la Langue d’Oc à fuir en sa compagnie. Forgée dans les frayeurs et les difficultés, une sorte d’orageuse amitié lie peu à peu ces deux êtres dissemblables.
Lors d’une halte dans une auberge interlope, Tristan défend d’un viol une servante, Oriabel. Son comportement provoque l’admiration d’un malandrin connu de Tiercelet : Naudon de Bagerant. Celui-ci les emmène tous trois à Brignais, lieu de rassemblement de la plupart des scélérats qui dépècent la France. Leurs méfaits ne succédant pas immédiatement à ceux des Jacques, ils se sont nommés les Tard-Venus.
Otage et mis à rançon, Tristan, pour être quitte, refuse d’entrer dans la « route » dont Bagerant détient une part de commandement. Afin de la mieux protéger, il épouse Oriabel devant une assistance abjecte, ignorant que le célébrant de leur mariage, qu’il prend pour un clerc, Angilbert le Brugeois, est un défroqué de longue date. Peu après la cérémonie, l’ost du roi de France apparaît. Il est conduit par les maréchaux de Bourbon et Tancarville dont la jactance et l’impéritie sont inguérissables. Ces deux prud’hommes n’ont pas compris – ou refusent de comprendre – les leçons de Crécy et de Poitiers, batailles acharnées lors desquelles les maîtres tacticiens de l’armée anglaise ont simultanément anéanti les corps et l’orgueil des chevaliers aux Lis.
Une fois de plus, l’affrontement paraît inégal. Les chances de victoire sont du côté de l’armée française, forte de 15 000 hommes tandis que les routiers sont moins de 10 000. Une attaque nocturne de ces derniers porte préjudice aux justes. Elle tourne d’emblée à l’avantage des Tard-Venus et se poursuit tout au long de la matinée.
Sur les pentes du Mont-Rond, proche du château de Brignais, et pour préserver sa vie, Tristan se voit contraint de combattre parmi la crapule qu’il abomine. Cerné par une poignée de Français alors que les routiers refluent vers leur repaire, il est considéré comme traître par un de ses anciens compagnons d’armes, Guillonnet de Salbris. Ses justifications restent vaines : Salbris veut sa mort.
Tandis qu’Oriabel et Tiercelet parviennent à s ’enfuir, Tristan est conduit à Lyon en compagnie de quelques captifs, dont Angilbert le Brugeois qui lui révèle la nullité de son mariage. Condamné au bûcher comme les autres prisonniers, il prend place dans une charrette qui traverse la cité sous les huées de la foule. Tout paraît consommé lorsqu’une femme, Mathilde de Montaigny, sort des rangs des spectateurs et exige qu’il soit libéré afin de devenir son épouse.
Cette coutume existait non seulement dans différentes provinces françaises mais encore en Flandre, Suisse, Pologne, etc. Les édiles lyonnais atermoient. La dame insiste, supplie, menace, excipe de la validité d’une
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