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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tout de même à l’entour… Passe-moi les rênes de Malaquin. Je m’en charge.
    – Drôle de nom pour un roncin ! ricana Orriz.
    – Retourne le tien si tu peux et tu verras que tu n’es pas grand-chose !
    Le Breton savait-il lire ? Il ne le parut pas.
    La rue se dépeuplait comme pour permettre aux ivrognes d’avancer plus aisément. Tristan regardait partout, jusqu’aux fenêtres d’où jaillissaient toujours des cris et des chansons. Orriz s’arrêtait parfois pour donner une bourrade à un gêneur qui, le reconnaissant, n’osait se regimber. Il inspectait soigneusement les visages comme s’il redoutait que l’un d’eux fût celui d’un ennemi. La cohue, çà et là, restait épaisse, mais des hommes s’en écartaient pour marcher vers des ténèbres où dormir et se dessoûler : il convenait qu’ils fussent à l’aise, le lendemain, s’ils devaient livrer bataille.
    – Est-ce loin encore ? demanda Paindorge.
    Ils venaient d’atteindre une placette. Quelques flambeaux plantés dans le sol se consumaient, barbouillant de rouge et d’or les troncs et ramures des arbres mais laissant dans l’ombre le faîte des maisons qui semblaient désertes et même plus : mortes.
    – Tiens, fit Paindorge. Les fourrageurs sont passés par ici.
    Tristan se laissait mener. Malaquin renâclait. Tachebrun et le sommier trébuchaient parfois : les roncins se méfiaient aussi de cette liesse.
    – C’est là, dit Orriz.
    C’était la plus belle maison de la cité : deux étages, quatre fenêtres ; au-dessus, des œils-de-bœuf éclairés. Derrière le bâtiment, de vastes écuries puisque l’on entendait hennir cinq ou six chevaux.
    – Laissez-moi vos roncins, dit Orriz. Et soyez quiets : je vous jure qu’ils ne craignent rien. On va s’en occuper… comme si c’étaient ceux de Bertrand.
    – Soit, dit Paindorge, mais permets, compère, que je soulage notre sommier de nos armures et de nos bouges 369 à vêtements.
    Quand ce fut fait, Tristan demanda :
    – Où couchons-nous ?
    – Montez l’escalier. Tout au fond de la longaigne 370 , il y a les…
    –… latrines.
    – La porte d’à-côté… La chambre est vide : c’était la mienne. Je ne vous en veux pas puisque Bertrand l’exige. La sienne est en dessous. À demain. Nous partirons tôt. Soyez prêts…
    La chambre était inoccupée. Paindorge en referma l’huis en sifflotant.
    – Des bourgeois cossus dormaient céans, messire.
    – En vérité… Je n’ose trop penser au sort qui fut le leur.
    Un lit, deux faudesteuils, un prie-Dieu dont on avait arraché les incrustations – d’or probablement –, une crédence vide. Au-dessus du lit, un crucifix de bois sans Christ. Sur un pot retourné brûlait une chandelle.
    – Ce Jésus-là devait être en ivoire… Il nous fait grand honneur, ce Guesclin.
    – Certes, Paindorge. Certes… Davantage qu’aux êtres qu’il a boutés hors.
    Ils demeurèrent songeurs. Enfin l’écuyer franchit le seuil et revint en se rajustant :
    – Un cierge est allumé dans les latrines : j’ai vu du sang sur les murs.
    Il s’était exprimé avec une espèce de stupeur morne. Tristan lui répondit du même ton :
    – Quelqu’un avait cru trouver là un refuge… Tu n’as rien vu de la liesse dans la grange…
    À la commisération qu’il découvrait sur le visage de l’écuyer, Tristan comprit que ce qui s’était passé dans la rue, tandis qu’il parlait à Guesclin, n’avait d’égal que les scènes auxquelles il avait assisté. Entre eux, derechef, ce fut le silence, un silence lesté d’une angoisse légère et d’autant plus prenante. Ils demeuraient debout, séparés par le lit, regardant, au-delà de l’unique fenêtre, les lueurs de Tortisambert ; écoutant les cris, les chants, les hurlements d’horreur des femmes empoignées. Ils le savaient en s’entre-regardant : la compassion inscrite sur leur visage était semblable, mais seul Tristan voyait l’ordonnateur de la fête et son terrible sourire.
    – Les draps manquent, dit Paindorge, mais les flassardes 371 sont épaisses. Je dormirai là, sur le pavement.
    – Penses-tu !… Ce lit est grand pour deux. Et n’aie crainte : je ne suis point l’émule de Charles d’Espagne !
    – M’en doute, fit l’écuyer en s’asseyant sur le bord du lit et en ôtant ses heuses. Et vous êtes chanceux : je ne pue pas des pieds.
    – J’en connais un qui ne peut en dire autant !
    – Où allons-nous

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