Le poursuivant d'amour
du roi dans ses possessions françaises, mais prince souverain – et donc indépendant – dans son petit royaume. Habile, intelligent et retors, nul doute qu’il ambitionnait la couronne de France. Il avança ses pions sur les deux échiquiers : l’Europe et surtout l’Angleterre et la France (où il se trouva un allié de choix en la personne d’Etienne Marcel, qu’il lâcha quand la fortune du prévôt des marchands lui fut contraire). Sa destitution du gouvernement du Languedoc au profit du favori du roi, l’antipathique Charles d’Espagne, dit La Cerda, suscita une violente colère qui s’acheva par le meurtre de La Cerda, le 8 janvier 1354 à Laigle. Le chagrin du roi fut immense et inconvenant. Il laissa supposer bien plus qu’une amitié entre ces deux hommes. Le ressentiment de Jean II contre son gendre fut inguérissable, malgré les efforts de Blanche d’Évreux (sœur du Navarrais et veuve de Philippe VI), Jeanne d’Évreux (veuve de Charles IV le Bel) et du cardinal de Boulogne (oncle de Jean).
Cependant, Jean II, pour annihiler les menées de Charles de Navarre, avait donné pouvoir, le 8 février 1354, au cardinal de Boulogne et au duc de Bourbon pour traiter avec lui. À la suite de pourparlers auxquels prit part Robert de Lorris, qui avait la confiance du roi, le traité de Mantes fut signé le 22 février 1355, si avantageux pour le Mauvais que le monarque fit reproche à ceux qui l’avaient conclu d’avoir trahi ses intérêts. Peu de temps après, Robert de Lorris, prudent, quitta le royaume.
À la suite de ce traité, Charles le Mauvais se voyait assuré de recevoir la dot de son épouse ; assuré que ses complices dans l’assassinat de La Cerda ne seraient pas poursuivis. Il était maître du clos du Cotentin, des vicomtés de Valognes, Coutances, Carentan avec toutes leurs dépendances ; Beaumont-le-Roger, Conches, Breteuil, Pont-Audemer lui revenaient ainsi que Cherbourg dont l’importance stratégique n’échappait à personne.
À la date d’un second traité signé à Valognes, le 10 septembre 1355, les garnisons navarraises occupèrent Cherbourg, Gavray, Mortain, Avranches, Carentan. Le duché de Normandie se trouva quasiment livré aux Anglais puisque Charles II complotait avec Édouard III et que Godefroy d’Harcourt, leur complice, « régnait » de Portbail à Olonde (Canville) jusqu’à Brucheville, et qu’il tenait Saint-Sauveur, Auvers, Sainte-Marie-du-Mont, etc.’.
Il va de soi que les chemins et les routes du Cotentin étaient de véritables coupe-gorge. On n’allait guère plus loin que Caen. Coutances, cependant, demeurait française ainsi que Péri ère, Pontorson, Saint-Sauveur-Lendelin. Pour oser aller de Coutances à Valognes (50 km environ), il était nécessaire de posséder trois sauf-conduits : le premier, français, obtenu moyennant finances, auprès de la garnison de Coutances ; le second, anglais, délivré par celle de Saint-Sauveur (aux ordres de Godefroy d’Harcourt) ; le troisième, navarrais, accordé par les Navarrais de Valognes. Nul n’était certain d’arriver au terme de son voyage. Bientôt, les randons furent plus dangereux encore avec l’apparition, en 1358, des routiers : Fodrynghey et Jean de Picquigny en Normandie, Beauvaisis, Ponthieu, Amienois ; Brocard de Fénétrange en Champagne ; Robert Knolles en Auvergne, Limousin, Bretagne et Poitou ; Pierre Audley, Eustache d’Auberchicourt et l’Allemand d’Albrecht en Champagne ;
Rabigot de Dury et Robin Lescot dans l’Aisne… sans oublier l’Archiprêtre en Berry, Nivernais puis en Provence.
Un frère mineur, Jean de la Rochetaillade, avait annoncé toutes ces calamités. Le pape l’avait fait jeter dans un ergastule de son palais d’Avignon… non sans lui demander si la déplorable situation du royaume de France irait en s’améliorant ou en empirant. Jean le Bel rapporte dans ses chroniques : « Il disoit (le moine) que ce n’estoit riens de ce qu’on avoit veu envers ce qu’on verroit, car il ne seroit paix jusques à ce que le royaume de France seroit gasté par toutes ses parties. Ce est bien avenu en moult cas, puis l’an LVI que le roy de France et tous les barons, les plus grands aux mains, furent desconfis mors et pris, ainsy que vous avez ouy. Et si voit on au temps present que ledit royaume est et a esté si féru et si foulé en toutes ses parties que nul des princes, barons et seigneurs, ne s’osoient mons-trer contre gens de bas
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