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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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bien
pitié que le Moussu ne voulût pas quérir et marier sa pareille en le Sarladais,
Mespech n’étant au comble de son mieux s’il n’avait baronne, beau logis ne se
pouvant tant plus passer de femme qu’aveugle de son bâton.
    La grand’salle n’étant jusque-là
éclairée que par ses seules cheminées, l’apparition de mon svelte Samson
portant au poing les dispendieux chandeliers, fit que mon père nous aperçut,
Quéribus et moi, qui étions dans l’ombre restés pour ne point troubler le
pendulaire et querelleur trantolement de la frérèche. Et nous voyant, il nous
fit de loin le plus débonnaire souris, et ayant de prime posé fort dévotement
sa moustache sur la main des dames (avec les regards qu’on devine) il vint de
son pas vif et bondissant nous donner à chacun une forte brassée, aimant fort
Quéribus, tout muguet emperlé qu’il fût, et Quéribus le lui rendant bien, qui
tout de gob l’invita au nom de Puymartin, ainsi que Sauveterre, à la fête du
10 novembre, et dans le même souffle, lui annonça son département le 15.
Sauveterre, pendant ce temps, faisait aux dames un roide et profond salut mais
de loin comme s’il y eût péril pour son âme à approcher davantage ces vases
d’iniquités, combien qu’ils fussent peints et ornés. On prit place à table, et
tout soudain, Samson, ayant déposé son double fardeau, se frappa le front et
murmurant : « Mais je suis fol ! », dépêcha Miroul quérir
le verdâtre flacon, dans la chambre de Gertrude oublié, tant sans doute il
avait aimé que Zara et sa maîtresse lui servissent de chambrières.
    Mon valet s’acquitta de sa mission
en un battement de cils, et sans même emprunter chandelle, ses yeux vairons
voyant la nuit comme ceux d’un chat, à qui jà il ressemblait fort par sa féline
agilité. On ne pouvait, certes, en dire autant de la Maligou qui, lorsqu’elle
saillit de la cuisine, portant soupière, marchait à pas fort menus, et à chaque
pas tremblotait comme gelée, tant sa charnure s’enflait à distance de ses os.
Samson, dès qu’elle eut la soupière posée, lui remit le verdâtre breuvage, lui
expliquant le quoi, le qu’est-ce et le comment, ce qu’elle ouït
révérencieusement, avec d’infinies grâces et bénédictions sur le joli Moussu
pour sa bonne médecine, laquelle toutefois ne la cura point, son irréfrénable
flux de ventre continuant les jours suivants de pis en pis et ne cédant enfin
qu’après qu’elle eut glouti matin et soir une décoction de feuilles de noyer et
de ronces que Barberine en son mas était accoutumée à donner à ses vaches quand
elles souffraient de cette intempérie. Tel et si grand, pourtant, était le
respect que nos gens nourrissaient pour les fioles et flacons de mon Samson
qu’aucun d’eux ne songea à sourire de son échec, Barberine opinant, bien au
rebours, que son remède était trop beau et trop savant pour la curation d’une
simple servante.
    Mon père étant assis au haut bout de
la table (ainsi nommé, je gage, pour ce que le feu lui chauffait les reins, le
bas bout ne méritant pas ce soir-là son nom, la deuxième cheminée flambant haut
derrière la large croupe de ma bonne Barberine) il ne pouvait qu’il n’eût à sa
dextre le co-seigneur de Mespech, et à sa senestre, Dame Gertrude du Luc.
    — Monsieur mon frère, dit
Siorac en français, savez-vous que Puymartin nous invite le 10 à une grande
fête en son château ?
    — Humph ! dit Sauveterre
pour qui fête voulait dire bal, et bal, perdition, mais qui savait aussi qu’il
ne pourrait se dispenser d’y paraître, Puymartin devant entrer en notre
alliance, si le mariage de François avec Diane se faisait.
    — Avez-vous ouï,
François ? dit Siorac d’un air entendu.
    — J’ai ouï, Monsieur mon père,
dit mon aîné, ouvrant le bec pour la première et dernière fois en cette repue,
pour ce qu’il ne daignait bailler mot, ni même regard à Dame du Luc, qui, à ses
yeux, n’était pas née assez, et à plus forte raison à Zara, laquelle n’était
point née du tout, tant le piaffard se paonnait de ces deux tortils de baron
qui couronneraient un jour sa tête. Et du reste, à qui eût-il parlé ?
N’étais-je pas un cadet ? et Samson, un bâtard ? L’un médecin !
l’autre apothicaire ! Certes, il y avait Quéribus, mais celui-ci n’avait
d’yeux ni de voix que pour la frérèche et pour les dames dont, tout entiché qu’il
fût lui-même de sa nobilité, il ne

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