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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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se demandait point si elles étaient nées,
puisqu’elles étaient là, et leur éclat embellissant le monde.
    — Monsieur mon frère, dit
Siorac, en oc, tirant avantage de ce que Gertrude fût engagée par Quéribus, je
vous vois tout revêche et rebours dans le pensement de cette fête.
    — Mais non que d’elle, dit
Sauveterre, jetant un œil aux chandeliers et aux deux feux. Je ne veux vous
celer, mon frère, que je n’aime pas le train dont les choses vont céans, pour
ce que je ne vois partout où porte mon regard que dépenses et dissipations. Non ego mendosos ausi defendere mores [4] .
    — En ce cas, dit mon père,
citant en oc le Nouveau Testament : réjouissez-vous, mon frère, avec ceux
qui se réjouissent. Nos deux papistes départent le 15 avec notre ami que voilà.
    À quoi Quéribus qui entendait l’oc
(sa châtellenie étant sise dans le Carcassonnais) jeta un œil à mon père et un
autre à moi, sourit, et incontinent reprit avec Gertrude ses muguetteries de
cour.
    — Cette nouvelle infiniment me
conforte ! dit Sauveterre en oc avec un grand soupir. Nulla fere causa
est in qua non femina litem moverit [5] . Ainsi, de vous à moi, mon frère, ce long mois passé. Et la querelle n’était
point tant de chandelles et de bois que de cette odor di femina qui
imprègne nos murs.
    — Quoi ? dit mon père. Ne
la respiriez-vous pas, avant, avec Catherine et nos chambrières ?
    — Mais celle-là ne vous
subjuguait point, dit Sauveterre.
    — Ha ! dit Siorac en y
mettant quelque gravité, vous touchez là un point de grande conséquence et qui
m’a tenu longtemps étonné. Il se peut qu’on n’aime point les femmes. Mais il ne
se peut qu’on les aime sans les aimer excessivement.
    Parole qui tant bien dépeint la
complexion de Jean de Siorac (et la mienne) qu’à ce jour je me la rementois, et
la face de mon père quand il la prononça, et la mine qu’eut Sauveterre en
l’oyant, lequel eût, certes, préféré un langage où la nature n’eût pas pris le
pas sur la vertu. Cependant, dans le même instant, il était trop félice, en sa
jaleuse affection, d’apprendre le proche envol de nos jolies oiselles, pour
chercher puce derechef à Siorac. Hélas, pauvre Sauveterre, que déçu il ne
faillit d’être, comme je dirai plus loin !
     
     
    Ma petite sœur Catherine, dont l’odor di femina ne chatouillait point, au dire de mon oncle, les narines
paternelles, n’était point tant petite que je l’aimais à dire, mais bien femme
devenue de la taille à l’orteil, mince et bien rondie, l’œil en fleur, la face
éclatant d’un beau teint, sans pimplochement aucun, ni affiquets – hors le
collier que je lui avais baillé pour la compenser de la bague en or que j’avais
offerte à la Gavachette. Elle oyait tout ceci que je viens de conter de cet air
coi, quiet et chattemite qu’on apprend à nos filles dès les enfances. Mais moi
qui la connaissais bien, je savais qu’elle n’était point tant marrie qu’elle
paraissait l’être du département de nos dames, encore qu’elle aimât assez avec
elles, en le secret de leur chambre, babiller, et se vêtir de leurs atours, et
jouer avec les couleurs dont elles se pimpladaient le visage – mais
opinait, toutefois, que son père, dont elle raffolait, leur donnait une
attention qui n’était due qu’à elle, car ma mère n’étant plus, Catherine se
voyait à Mespech la dame du logis, au moins jusqu’à ses noces, sauf que de celles-ci
elle désespérait en son for quelque peu, ayant fait avec Barberine des revues
et dénombrements des prétendants possibles en notre Sarladais, et n’ayant
découvert parmi eux aucun jeune gentilhomme qui l’eût ragoûtée assez pour
qu’elle eût appétit à jeter sur lui la griffe.
    Car griffe elle avait et bon bec
aussi, avec ses frères d’une hauteur et braveté incrédibles, nous vousoyant,
nous gourmandant, nous tabustant, ne souffrant ni baiser ni brassée, nous
appelant roidement « Monsieur mon frère », et à la moindre
picanierie, nous tournant la froidureuse épaule dans un irrité tournoiement de
son vertugadin. Par ses frères, j’entends non point François à qui elle ne
jetait jamais un œil, tant elle l’avait à contre-poil, mais Samson et moi
qu’elle aimait, sans qu’il y parût prou, de grande et jaleuse amour, raison de
plus pour priser peu Gertrude et moins encore ma Gavachette, avec qui pourtant
elle avait grandi, ayant même âge à trois jours

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