Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
d’Anjou, l’avait suivi en Pologne et s’en
était enfui avec lui, avait connu dans son ombre les bons et mauvais jours,
quitté Paris et le Louvre après les barricades et, s’il l’avait fallu, aurait
suivi Sa Majesté dans les Enfers sans battre un cil. Ma grande et immutable
amitié pour Du Halde date de cette nuit-là, où assis sur nos escabelles, mon
genou touchant le sien, nous écoutions, accoisés, le réveille-matin, le
crépitement du feu, et les bourrasques de pluie contre les verrières. Du Halde
était seigneur et baron d’Avrilly, bailli et gouverneur d’Etaples, et eût pu
aspirer à de plus hauts offices, s’il eût consenti à abandonner ses humbles et
quotidiennes fonctions auprès du Roi. Il avait le titre de valet de chambre
ordinaire et n’avait pas touché un sol sur ses gages depuis la journée des
barricades.
    À quatre heures, fidèlement lui
aussi, le réveille-matin tintinnabula, et Du Halde se dressa comme si un
ressort d’arbalète l’avait projeté hors son siège. Si le lecteur veut bien ici
envisager derechef mon plan, il verra que la porte de la garde-robe donnant
dans le passage qui mène à l’oratoire neuf, fait face à l’huis qui clôt la
porte de la Reine. Raison pour quoi Du Halde, n’ayant pas de bougeoir, laissa
la porte de la garde-robe ouverte afin d’être éclairé en sa mission par le
rougeoiement de notre feu. Je me levai quand il se leva, mais sans approcher
pour ne me mettre point entre la lumière et lui, tandis qu’il toquait à l’huis
de la Reine.
    J’ouïs une voix de femme dire au
travers de la porte :
    — Que c’est ? Que
c’est ? N’avez-vous pas vergogne de déquiéter le sommeil du Roi ?
    — C’est je, Du Halde. Dites au
Roi qu’il est quatre heures.
    — Que nenni ! dit la voix
qui me parut fort aigre. Point ne le ferai ! Le Roi dort ! Et la
Reine aussi !
    — Tudieu ! cria Du Halde,
fort encoléré. Éveillez le Roi incontinent ! Ou je heurterai si longtemps
et si fort que je les éveillerai tous les deux.
    Et je le vis lever le poing comme
s’il allait toquer à la fureur, mais en fut détourné par la voix du Roi
s’élevant de l’intérieur de la chambre.
    — Que c’est, Piolant ?

— Sire, dit la Piolant (qui
était, j’imagine, une femme de chambre de la Reine, laquelle comme Du Halde devait
dormir sur une coite au sol déroulée) c’est Du Halde qui dit qu’il est quatre
heures.
    — Piolant ! dit la voix du
Roi, çà, mes bottines, ma robe, mon bougeoir !
    Oyant quoi, Du Halde revint à moi
dans la garde-robe et trémulant encore en son ire, dit en grinçant des
dents : « Cette coquefredouille de Piolant ! » puis jeta
tout un fagot dedans l’âtre pour faire crépiter les flammes jusqu’au tablier à
l’entrée du Roi, lequel marqua un grand contentement à l’envisager et
dit :
    — La merci à toi, Du Halde, pour
le beau feu !
    Mais observant qu’il ne présenta la
main ni à Du Halde ni à moi (dont il ne parut pas remarquer la présence)
j’attribuai cette omission au pensement qui le devait agiter. En quoi je me
trompai, car Du Halde ayant quitté au Roi sa robe (laquelle était doublée
d’hermine) et l’ayant sur tout le corps à la main nue et dure frictionné avec
de l’esprit-de-vin, habillé de cap à pied en velours noir, testonné son cheveu,
posé sur son chef un escoffion à aigrette et passé autour de son col le collier
de l’Ordre du Saint-Esprit, le Roi dit, tournant sur lui-même pour se présenter
de face et de dos :
    — Du Halde, suis-je bien comme
je dois ?
    — Oui, Sire, dit Du Halde,
après l’avoir méticuleusement envisagé.
    Et c’est alors seulement que le Roi
nous présenta la main, de prime à Du Halde, ensuite à moi pour la raison que,
si nous étions tous deux barons, Du Halde avait sur moi préséance, étant son
valet de chambre ordinaire, et moi seulement son médecin. En cette capacité, je
voulus lui prendre le pouls, mais il me dit qu’il allait fort bien, et qu’il
irait mieux encore, si l’affaire ne faillait.
    Là-dessus, on ouït quelque vacarme
qui paraissait provenir de la cour du château, et comme les fenêtres de
l’appartement du Roi donnaient sur la campagne, le Roi me dépêcha dans le
cabinet vieil qui, ayant vue sur ladite cour, me permit d’observer, à la lueur
des torches qu’on y promenait, que la noise venait du carrosse du Roi et des
chevaux d’office que les cochers attachaient aux anneaux à la

Weitere Kostenlose Bücher