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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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quand j’eus au cours des ans capté sa confiance, que le Roi, en cette
après-midi, se révéla comme le plus éblouissant commediànte dell’arte [86] qu’il eût jamais vu sur un tréteau, pour ce que le Guise étant à l’abord
défiant, distant et froidureux, le Roi l’accabla de telles grandissimes
démonstrations d’amitié et lui fit à mi-mot tant de demi-promesses sur sa
grandeur future, enveloppant le tout de tant de gentillesses, de petits
discours de gaîté, et d’aimables privautés, jusqu’à offrir au Duc des dragées
de son drageoir et vouloir qu’il lui offrît des siennes, que le Guise se dérida
et fondit à tant de grâces comme neige au soleil, la Reine-mère du fond de son
lit, se paonnant d’avoir de son chef si bien accommodé les choses et joignant
les mains du Duc et du Roi comme s’il se fût agi d’un mariage.
    À se séparer du Guise, le Roi le
prit par le bras et lui dit d’un ton confiant et affectueux :
    — Mon cousin, nous avons
beaucoup d’affaires sur les bras qu’il serait urgent d’expédier avant la fin de
cette année. Pour ce, venez demain matin de bonne heure au Conseil, nous nous
en occuperons. Je vais m’absenter, me retirant pour quelques jours dans ma
maison de La Noue : vous me manderez ce que vous avez résolu.
    Je me fis deux fois répéter ces
paroles du Roi par Bellegarde, et plus tard l’ambassadeur de Toscane, Filippo
Cavriana, qui, venant voir la Reine-mère, assista à la dernière partie de cet
entretien, me les confirma verbatim, le Toscan, qui était orfèvre, en
admirant la machiavélienne finesse, étant bien manifeste qu’en laissant le
Guise présider à sa place son Conseil et y prendre les décisions qui
s’imposaient, le Roi lui donnait déjà implicitement les fonctions d’un
connétable : leurre qui le devait si fortement attirer au sein dudit
Conseil que ses défiances ne pourraient ni le mettre à la fuite, ni le retenir
hors.
    Le Roi m’avait dit avant sa visite à
la Reine-mère de demeurer en son cabinet et de dormir dans la nuit du 22 au 23
dans sa garde-robe avec Du Halde qui y couchait à l’accoutumée sur une coite
qu’il roulait au lever et dans un placard enfermait, mais comme Sa Majesté ne
m’avait pas précisé le service qu’elle attendait de moi, je me trouvais toute
cette journée du jeudi fort désoccupé, mon seul office consistant à écrire,
sous la dictée du Roi, faute de secrétaire, une lettre au cardinal de Guise,
lequel depuis deux mois n’assistait plus au Conseil, afin que de l’instamment
prier d’assister à celui-là le lendemain, pour ce qu’il serait le dernier de
l’année et de très grande conséquence quant aux affaires qu’on y traiterait.
Cette lettre était si aimable en son tour et si bienveillante en son fond, et
son destinataire avait été si insufférablement arrogant avec le Roi en exigeant
de lui au lendemain de l’ouverture des États Généraux la rétractation que l’on
sait, que j’entendis bien qu’il allait être lui aussi enveloppé dans le même
destin que son frère, et m’en voulant quelque peu éclairer là-dessus, je
demandai à Du Halde, étant seul avec lui, ce qu’il pensait du cardinal. À quoi
Du Halde reflétant là-dessus l’opinion de son maître, me répondit :
« Il est pis que le Guisard. C’est un furieux. Il ne respire que le
sang. »
    À neuf heures du soir, le Roi fit
mander Larchant et s’assura qu’il avait bien dit au Guise qu’il comptait lui
présenter supplique le lendemain au pied de l’escalier d’honneur pour la solde
de ses gardes, afin que le Duc ne fût ni surpris ni saisi par leur présence.
Les gardes, ajouta le Roi, devaient être rassemblés là à sept heures, sans
autre instruction que d’occuper l’escalier d’honneur après l’entrée du Duc, du
cardinal de Guise, et de l’archevêque de Lyon et d’interdire ensuite tout
passage dans un sens ou dans l’autre. Après Larchant, le Roi vit Laugnac, et
lui manda d’avoir à rassembler à cinq heures du matin ses quarante-cinq dans la galerie des Cerfs, laquelle galerie se trouvait au bas de l’escalier
que j’ai appelé e’ sur mon plan. J’observai que le Roi ne dit pas un mot
à Laugnac sur la mission de ses Gascons, se peut parce qu’il éprouvait quelque
défiance à son endroit, se peut parce qu’un secret départi à tant d’hommes ne
lui parut pas pouvoir être gardé.
    Laugnac départi, le Roi donna congé
à Du Halde et à moi de nous

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