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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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l’obscurité cachait le spectacle de la boucherie.  
    — Tu sais l’espagnol, Hazembat ! cria Leblond-Plassan. Prends la yole et monte à la batterie demander à ces putains d’artilleurs pourquoi ils ne tirent pas !  
    En quelques coups de rames, Hazembat fut sur la plage de galets. Il courut à la falaise, trouva une faille et, s’agrippant frénétiquement des pieds et des mains, se hissa jusqu’à la pente herbeuse en haut de laquelle devait se trouver la batterie.  
    Deux lourds grondements venant de la mer lui indiquèrent que le combat continuait. C’est presque par hasard qu’il buta contre le parapet d’où émergeaient les museaux de quatre gros canons. Un sentier en faisait le tour. Se guidant sur la clarté d’une lanterne accrochée à la porte du fortin, il arriva dans le dos des canonniers qui, accoudés au parapet, regardaient le spectacle.  
    —  Oid, conos ! cria-t-il. Porque no dispareis ?  
    Ils se retournèrent, pris par surprise. Le gradé, qui semblait commander la batterie, fit un geste pour saisir son fusil. Furieux, Hazembat fonça sur lui.  
    —  Hijo de puta ! Aqui abajo barco ingles ataca barco frances ! Vos dispareis, no ?  
    L’autre haussa les épaules.  
    —  No se puede apuntar por la noche !  
    Hazembat le prit par le bras et le mena au parapet. Au moment où ils y arrivaient, la nuit fut trouée par deux séries d’éclairs orangés, séparés d’au moins une encablure. Le grondement mêlé des deux salves monta vers eux.  
    —  Frances aqui ! cria Hazembat. Ingles aca ! Dispareis aca !  
    Le sous-officier hocha la tête et donna un ordre. Aussitôt, les soldats s’affairèrent autour des canons.  
    Pris par la hâte de regagner le bord, Hazembat dégringola la pente. Comme il arrivait sur la plage, il y eut un nouvel échange de salves. Un boulet perdu miaula au-dessus de sa tête et alla ricocher sur le granit de la falaise. En même temps, un lourd rugissement descendit d’en haut avec un éclair jaune. Les Espagnols se décidaient à tirer.  
    Quand il arriva à la Bayonnaise, le pont n’était plus qu’un amas de débris de mâts et d’espars. Il courut jusqu’à la dunette, trébuchant sur les corps étendus.  
    — Ils ont commencé à tirer, commandant !  
    — J’ai entendu. Nous sommes démâtés mais, si la coque tient bon, nous arriverons à les garder à distance.  
    Le deuxième boulet espagnol fut court, mais l’intervention de la batterie amena le capitaine anglais à changer de tactique. Le vent ayant fraîchi, au lieu de tirer péniblement des bords, il se mit à décrire des cercles d’évitage qui l’amenaient toutes les vingt minutes à la tangente de la Bayonnaise. Il lâchait sa bordée au plus près et virait aussitôt. Une fois, il passa si près qu’Hazembat put lire son nom, l’ Ardent, sur le tableau, à la lueur de la salve française.  
    Les Espagnols tirèrent une douzaine de coups, puis renoncèrent. Leblond-Plassan continuait le combat, sachant qu’au moindre relâchement du canonnage français l’Anglais viendrait à l’abordage. La ronde dura ainsi plus de cinq heures. Les pertes étaient de plus en plus lourdes et trois canons étaient hors de service. Cent cinquante livres de fer contre neuf cents à chaque échange, la lutte était inégale et l’issue inéluctable, d’autant que le lougre, durement touché au début, s’était remis de la partie et, posté par tribord arrière, pilonnait la poupe, cherchant à atteindre la dunette. Ricochant à la surface, un boulet s’enfonça dans l’étambot et fit craquer toute la coque. Hazembat songea qu’il avait vu, aux chantiers de Bacalan, Jantet travailler de ses mains sur cet étambot.  
    A onze heures, alors que seuls six canons de la Bayonnaise tiraient encore, Leblond-Plassan appela ses officiers et tint avec eux un bref conciliabule. Puis il dit à Hazembat :  
    — Prépare toutes les embarcations disponibles et ne garde que la yole.  
    Une demi-heure plus tard, l’équipage commença à quitter le bord et fit force rames vers la plage. Seul, un canonnier resta auprès d’une pièce intacte, prêt à faire feu sur l’Anglais à son prochain passage.  
    — Hazembat, dit Leblond-Plassan, prends une hache et coupe les câbles des ancres.  
    L’enseigne Pigache arriva et salua comme à la parade.  
    — Les charges sont posées, commandant.  
    — Dévidez la mèche jusqu’ici et filez !  
    Ils

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