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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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lui annonça ses accordailles avec Marie Dubernet, dite Pouriquète, dont il savait que Jantet était également amoureux. Le regard droit et ferme, son ami lui tendit la main.  
    — Je suis content pour elle et pour toi.
    Il n’y avait pas l’ombre d’une amertume dans sa voix, mais Hazembat savait qu’il souffrait. Il prolongea la poignée de main.  
    Un peu plus tard dans la soirée, Jantet le présenta au chirurgien de bord avec lequel il s’était lié d’amitié. C’était un Marseillais triste, au visage buriné, aux cheveux plats et rebelles, au langage un peu pédant. Il s’appelait Sébastien Hugues.  
    — Vous êtes parent de Victor Hugues, l’ancien gouverneur de la Guadeloupe ? s’enquit Hazembat.  
    — C’est un cousin. Maintenant, il est gouverneur de la Guyane.  
    — Il a bien failli me faire guillotiner en 1794.  
    — Victor a toujours eu la guillotine facile. Il est vrai qu’à cette époque il fallait tenir fermement la situation en main à la Guadeloupe.  
    —  Pourquoi ? Les gros planteurs aristocrates étaient partis et, l’esclavage aboli, les nègres étaient pour la République.  
    Le docteur le considéra avec une certaine surprise.  
    — Je vois que tu ne connais pas grand-chose à la situation antillaise, mon garçon. Les nègres sont bien incapables d’être pour quoi que ce soit.  
    — Ils sont tout de même pour l’abolition de l’esclavage !  
    — C’est comme si tu disais que les chevaux sont pour l’abolition du dressage. Les nègres ne sont rien de plus que des animaux, plus proches du singe que de l’homme. Le Dr Madden a montré que certains d’entre eux ont six vertèbres lombaires, comme l’orang-outang, et je ne parle pas de leur cerveau qui est de six à neuf onces moins lourd que celui de la femme blanche, lui-même plus petit que celui de l’homme. Ils sont voués à une idiotie congénitale et à une inertie morale qui se traduisent par leur incapacité à s’organiser et à travailler pour survivre. L’esclavage est le moyen le plus humain de les domestiquer et de les arracher aux effets de leur paresse et de leurs instincts bestiaux.  
    L’escadre appareilla le 4 Floréal de l’An   IX. Pendant dix jours, elle vogua en formation de double colonne sur une mer calme sans voir un Anglais, sinon, près des côtes, les voiles lointaines d’une frégate de surveillance qui s’en allait sans doute apporter à la flotte de blocus la nouvelle de la sortie.  
    Au large des Açores, le navire amiral fit mettre en panne sous une jolie brise d’ouest et une volée de pavillons appela le commandant de la Bayonnaise à bord.  
    Hazembat fit mettre la chaloupe à la mer. C’était un cotre en miniature, armé d’un pierrier à l’avant et pourvu d’un mât sur lequel on pouvait hisser une voile à livarde. Les dix rameurs étaient en place au moment où le lieutenant de vaisseau Leblond-Plassan se présenta à la coupée, salué par les sifflets des maîtres. Dès qu’il fut assis à l’arrière, face à la barre où se tenait Hazembat, ce dernier fit signe au brigadier de proue de dégager à la gaffe, puis il commanda :  
    — Nagez !  
    C’était le premier ordre qu’il donnait de sa vie et il fut surpris de l’ensemble parfait avec lequel les avirons dressés s’abattirent sur l’eau. Par acquit de conscience, il donna trois ou quatre fois la cadence, mais l’équipage bien entraîné n’en avait pas besoin.  
    Leblond-Plassan resta une demi-heure à bord du navire amiral. Quand il revint, il était accompagné d’un contre-amiral d’une quarantaine d’années qui prit place à côté de lui dans la chaloupe.  
    Le nouveau venu, en hôte de marque, s’installa dans la grande cabine. Leblond-Plassan se fit gréer un cadre dans le bureau attenant à la chambre des cartes.  
    Dès le retour du commandant, la Bayonnaise quitta l’escadre et fit route sud-ouest, toutes voiles dehors. Un peu plus tard, Leblond-Plassan appela Hazembat dans sa cabine improvisée.  
    — Tu as reconnu notre passager ? demanda-t-il.  
    — Non, commandant.  
    — Il est pourtant de tes voisins. Tu es de Langon, n’est-ce pas ? Tu connais Meilhan ?  
    — Oui, commandant. C’est à deux lieues en aval de Marmande. J’y ai souvent fait escale quand je naviguais sur les couraus de la Garonne.  
    — Eh bien, l’amiral est le ci-devant baron de Lacrosse et les Lacrosse étaient seigneurs de Meilhan. La

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