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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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surprise en allant prendre congé aux Long Rooms où le marquis de Sainte-Croix lui donna une gratification d’une guinée sur laquelle Soames s’empressa de prélever une demi-couronne. Il y avait là un officier de marine dont il reconnut immédiatement l’uniforme français. C’était Pigache. Il était escorté par un lieutenant des marines.  
    —  Mon Dieu ! s’écria-t-il, mais c’est Hazembat ! Je te croyais mort.  
    Hazembat allait répondre : « Moi aussi », mais il se raidit au garde-à-vous et salua.  
    — J’ai eu de la chance, lieutenant. Et vous-même ? J’ai su que vous aviez été blessé.  
    — On m’a très bien soigné à Reading où j’étais en liberté sous caution avec la plupart des autres officiers capturés à Trafalgar.  
    — Il y en avait beaucoup ?  
    — Oui. Il y avait en particulier l’amiral Villeneuve. Il a été échangé sous cartel en 1806 et il s’est suicidé en arrivant en France. Moi, j’ai bien l’intention de profiter de ma liberté pour reprendre le combat.  
    — On va vous échanger ?  
    — Dès demain. C’est pour cela que je suis à Portsmouth, sous bonne escorte, comme tu vois. Heureusement que mon gardien avait envie d’aller boire un verre dans cet établissement. Je regrette de ne pouvoir t’emmener avec moi, mais veux-tu que je fasse passer un message chez toi ?  
    — Non, lieutenant, ce n’est pas la peine.  
    Il avait failli dire oui, pensant à ses parents. Mais maintenant le chagrin avait dû commencer à s’émousser. C’est à Pouriquète et à Jantet qu’il songea. S’ils pouvaient trouver quelque bonheur, il n’était pas homme à le leur gâcher.  
    — Et toi, qu’es-tu devenu ?  
    — J’ai travaillé ici, lieutenant. Maintenant, je viens d’accepter un travail de marin en Ecosse…, de marin civil.  
    Pigache le regarda, les sourcils froncés.  
    — Toi aussi, tu crois que cette guerre va durer encore longtemps ? A Reading, beaucoup d’officiers pensaient qu’à mesure que Napoléon étend son empire la victoire se rapproche. Maintenant que je connais les Anglais, je suis convaincu du contraire.  
    Avant de le quitter, Pigache lui donna l’accolade.  
    — Bon vent, marin ! Nous nous retrouverons quelque part sur les mers.  
    Les adieux à Mrs Merriman furent brefs. Elle avait déjà fait venir de Cosham un couple de cousins pour remplacer Hazembat et Betty.  
    — Vous allez vous trouver au contact de personnes qui appartiennent à notre aristocratie, Bernard, dit-elle. J’espère que vous vous souviendrez des leçons de maintien et de dignité que vous avez reçues dans cette maison. Malgré son humble origine, la pauvre chère Betty était un modèle de distinction. Le Seigneur n’a pas voulu qu’elle fasse pour vous la meilleure des épouses, mais, si cela peut vous être un réconfort, je dois vous dire que, tout le temps que vous avez été ici, vous l’avez rendue heureuse.  
    Cérémonieusement, elle lui posa un baiser sur le front, puis recula de deux pas, les mains croisées sur le ventre. Les mots qu’Hazembat voulait prononcer s’étranglèrent dans sa gorge.  
    — Merci, madame, marmonna-t-il avant de s’éclipser.  
    Le voyage en voiture de poste jusqu’à Londres fut une nouveauté pour Hazembat. Il n’avait jamais employé ce mode de transport et était émerveillé par la vitesse avec laquelle l’équipage de quatre chevaux emportait la chaise. Le paysage était très vert, parsemé de petits villages prospères. De temps en temps, on changeait les chevaux en voltige dans une cour d’auberge bien pavée. Le major en profitait pour faire apporter deux pintes d’ ale , une pour lui et une pour Hazembat. A Chichester, ils s’arrêtèrent dans une auberge dont l’enseigne portait un dauphin et une ancre, pour prendre une collation de côtelettes de mouton. Hazembat s’émerveilla de la flèche de la cathédrale, plus haute, lui sembla-t-il, que celle de Saint-Michel à Bordeaux. Ils couchèrent à Guildford.  
    Quand il fut seul dans l’appentis qui lui avait été alloué, à côté des écuries, Hazembat eut un instant d’angoisse. Comme tous les marins, il n’aimait pas se sentir enserré dans les terres et cette terre-là lui semblait soudain terriblement étrangère. Les valets d’écurie et les servantes qu’il avait rencontrés au cours de la journée s’étaient pourtant montrés aimables, parfois même cordiaux. Pourtant,

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