Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
Vom Netzwerk:
théologiens. Le vrai danger, c’est la religion. Je suppose que tu n’as jamais entendu parler de Gibbon ?  
    — Non, docteur.  
    — C’est un grand esprit. Il a montré que la religion est la cause du déclin et de la chute des empires. C’est parce que tes Jacobins ont fait de la Révolution une religion qu’ils ont sombré dans la barbarie la plus sanguinaire et c’est parce que Bonaparte a fait une religion de son empire qu’il est devenu un tyran sans scrupules, voué à la catastrophe.  
    — J’ai connu des prêtres qui croyaient à la Révolution.  
    — Justement, ils y croyaient. Ce n’était pas leur raison qui les guidait !  
    — Il y a eu des fêtes en l’honneur de la Déesse Raison.  
    — La raison n’a rien de divin. C’est un don que chaque homme porte en lui à l’égal des autres. Il faut seulement avoir le courage d’affronter ses jugements. Crois-moi : c’est ta raison et ta raison seule qui te permettra de dominer ce que tu crois être une fatalité.  
    L’alcool commençait à embrumer l’esprit d’Hazembat. Il termina son histoire par son entrevue avec le major Dalrymple.  
    — Bass Rock, dis-tu ? s’écria Mac Leod. Je connais bien l’endroit : c’est tout près de Dunbar. Il faut y aller, sailorr, il faut y aller ! C’est le plus beau pays du monde ! Here’s to Bonnie Scotland, my lad !  
    Il remplit généreusement les verres et se mit à chanter d’une voix de fausset : «  Ye banks and braes o’ bonnie Doon…» Hazembat lampa son verre d’un coup et tomba endormi avant la fin de la chanson.  
    Il s’éveilla le lendemain frais et dispos. Le whisky, du moins, avait cela de bon. Mac Leod préparait du thé dans une vieille théière en faïence de Chine. Il regarda Hazembat d’un œil humide, mais ferme.  
    — Résumons-nous, sailorr, dit-il en lui tendant une tasse. Des trois femmes de ta vie, deux sont mortes et une est mariée. Tirons un trait. Quel âge as-tu ?  
    — J’aurai trente ans en avril, docteur.  
    — Il serait temps que tu jettes l’ancre quelque part. Dalrymple t’offre un bon mouillage. A ta place, j’en profiterais. Tu as encore quelques années pour voir venir le vent.  
    Betty fut enterrée le soir même au cimetière de St. Thomas. Il y avait une vingtaine de femmes, des batelières fortes en muscles et des voisines de Mrs Merriman. Tandis que le ministre, tout de noir vêtu, disait la prière des morts au bord de la fosse, Hazembat songeait à son enfant que Betty emportait avec elle dans la tombe. Pouriquète avait perdu le sien. Sous le ciel gris et bas, il évoqua le soleil de la Guadeloupe où se trouvait Bernard-Toussaint, sa seule progéniture. Il devait avoir quatorze ans maintenant, l’âge de devenir un marin.  
    Après la guerre, il irait le rejoindre. Il lui apprendrait le métier, il naviguerait avec lui. Et, soudain, il sentit sur son corps et son visage le besoin du vent de mer, la soif des embruns salés et cinglants. Il sut alors qu’il accepterait l’offre de Dalrymple.  
    Le grand officier rouquin l’accueillit avec cordialité.  
    — Tu es décidé, mon garçon ? Ça tombe bien : mon père est à Londres en ce moment. Tu repartiras avec lui. Je vais m’occuper des formalités auprès des autorités maritimes.  
    Quelques jours plus tard, Hazembat passa une dernière soirée chez Mac Leod qui avait invité Topolino. Le Napolitain venait de demander sa naturalisation comme sujet britannique et envisageait d’épouser une aubergiste du quartier fréquenté par l’aristocratie des gens de mer. Le marquis de Sainte-Croix, qui commençait à se faire vieux, avait là un successeur tout trouvé. Topolino n’acceptait plus son surnom que des intimes. Il se faisait maintenant appeler de ce qu’il prétendait être son vrai nom : Pietro de Castellammare. On pouvait parier qu’un titre nobiliaire viendrait bientôt enjoliver encore ce patronyme.  
    Mac Leod, lui, était décidé à prendre sa retraite et à rentrer à Dunbar.  
    — J’approche de la soixantaine, disait-il, et je tiens à profiter de ce qu’il me reste d’existence. En Ecosse, on vit plus vieux qu’ailleurs. Vois le juge Dalrymple avec qui tu dois aller à Bass Rock : il a passé les quatre-vingts ans et, l’année dernière encore, il remplissait les fonctions de baron de l’Echiquier, une sorte de contrôleur des finances.  
    La veille du jour où Hazembat devait partir, il eut une

Weitere Kostenlose Bücher