Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
Vom Netzwerk:
pas que ça mérite
récompense ? »
    Il me dévisagea avec une sorte de pitié condescendante.
    « Il ne vous est jamais venu à l’esprit que j’aurais
plutôt récompensé celui qui aurait épargné cette tristesse à ma
famille ? »
    Il me fallut une seconde pour comprendre ce qu’il me disait.
    « Vous auriez préféré que je ne fasse rien ? Vous
comprenez qu’il avait prévu de la tuer ? Jerome Gilbert, ou Gabriel
Norris, quel que soit le nom par lequel vous voulez l’appeler, avait
l’intention de la jeter à la mer pour s’épargner l’opprobre. Un beau jour, votre
femme et vous auriez reçu une lettre vous informant qu’elle avait rejoint un
ordre religieux en France et vous n’auriez pas été plus avancés.
    — Et vous ne croyez pas que cela eût été plus
supportable pour sa mère ? »
    Il perdit toute contenance, ses mains tremblèrent violemment
et il serra les poings dans un accès de rage contenue.
    « Nous aurions pu aller sur nos vieux jours avec cette
petite tromperie. Au lieu de cela, ma fille est arrêtée par les hommes du
shérif en compagnie d’un missionnaire jésuite. Ensuite, il faut que j’aille en
personne payer sa caution à la prison, où elle croupit au milieu de putains et
de voleuses. Et je dois encore la ramener au collège en pleine journée, devant
toute la ville, sous les huées et les messes basses, celles-là mêmes que ma femme
endurera si jamais elle se risque de nouveau hors de sa chambre, ce dont je
doute. Désormais, je serai connu comme le père de la putain du jésuite et le
grand-père d’un bâtard papiste. Ma réputation à l’université est ruinée et j’ai
peur que les nerfs de ma femme ne résistent pas à ce nouvel assaut.
    — Il aurait mieux valu qu’elle meure discrètement pour
que votre réputation ne soit pas ternie ? lui lançai-je avec mépris.
    — Vous avez beau jeu de voir en moi un monstre,
maintenant. Mais vous n’avez pas d’enfant, vous ne savez pas quelle douleur
c’est de les perdre. Ma fille est morte pour moi, Bruno. Il aurait mieux valu
qu’elle meure en mer et que sa mère ne souffre pas de cette infamie, je le
pense. C’eût été préférable pour Sophia aussi. Quel genre de vie aura-t-elle
maintenant ?
    — Et vous auriez préféré continuer d’héberger un
jésuite au collège et vivre de ses revenus si cela vous avait facilité la
vie ? Ou alors vous saviez pour Norris depuis le début ?
    — Non ! s’insurgea-t-il. C’est un mensonge. Je n’en
avais pas la moindre idée. J’ai peut-être échoué à remplir mes devoirs, mais
jamais je n’aurais sciemment fermé les yeux sur la présence d’un missionnaire
au sein du collège, il est absurde de le suggérer. Je vous en supplie, ne
glissez pas cette perfidie à l’oreille de Sir Philip. Norris payait ses études
et il n’avait ni plus ni moins de liberté que les autres fils de bonne famille.
    — Norris vous a été recommandé par Edmund Allen, un
papiste, comme vous le saviez. Et il ne fréquentait guère la chapelle, cela ne
vous a jamais frappé ?
    — Les jeunes gens aisés se lèvent rarement tôt. Cela
fait partie de leurs privilèges.
    — Quand on paie, on peut être dispensé de tout, ici,
répliquai-je avec dédain. Ça me rappelle beaucoup Rome. Mais vous étiez aussi
au courant pour les autres, n’est-ce pas ? »
    Il soupira.
    « Je savais pour William Bernard, comme tout le monde à
Oxford. Ce n’était pas un secret qu’il n’avait pas renoncé à ses anciennes
pratiques, bien qu’il eût prononcé le serment de fidélité. C’était un vieillard
têtu mais inoffensif. Il a fui, d’ailleurs, et je doute qu’on le traque avec
beaucoup d’opiniâtreté. Le peuple n’aime pas qu’on jette un vieillard aux
cheveux blancs en prison ou qu’on le fasse monter à l’échafaud, comme le sait
bien le Conseil privé. Quant aux autres… Roger Mercer, je savais, mais c’était
un homme bon. Coverdale, j’ai été surpris. Il y en a d’autres. J’imagine que le
jour où l’on m’interrogera pour Norris, je devrai révéler leurs noms.
    — Je ne crois pas que ce sera nécessaire, le rassurai-je,
bien que je fusse toujours sous l’effet des propos qu’il avait tenus sur
Sophia. La plupart sont déjà connus. »
    Il mit la main sur la poignée de la porte en me dévisageant.
    « Vous avez trop de compassion pour vous mêler
d’affaires de cette sorte, docteur Bruno. Je sais que vous avez menti

Weitere Kostenlose Bücher