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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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afin
d’éviter à ma fille un procès public. Quant à moi, j’aurais pu livrer les
catholiques aux autorités, tous autant qu’ils étaient, depuis des années. Mais
je pensais que nous pouvions vivre ensemble. Je comprends maintenant qu’il faut
être sans pitié, mais ce n’est pas dans mon caractère, ni dans le vôtre. À cet
égard, nous sommes semblables.
    — Non, messire, le contredis-je comme il m’ouvrait la
porte. Je n’ai rien à voir avec vous. Si j’avais une fille, j’espère que je
préférerais être déshonoré plutôt que de la voir mourir. »
    Il ouvrit la bouche pour protester, mais je l’en empêchai.
    « Sophia n’est pas une putain. C’est une femme de
courage, et elle mérite votre protection et votre amour, pas votre
mépris. »
    Je le plantai sur le seuil, bouche bée, avant de descendre
l’escalier quatre à quatre et de traverser la cour à grands pas. Arrivé à
l’entrée, je me tournai pour regarder une dernière fois Lincoln College et
aperçus Sophia à la fenêtre du premier étage des appartements du recteur, sa
silhouette déformée par les vitres, la main levée en signe d’adieu.

 
ÉPILOGUE

Londres, juillet 1583

 
     
     
     
     
    Les premières lueurs de l’aube commençaient à éclairer le
ciel. Les cheveux humides à cause du léger crachin, je dirigeai mon cheval vers
l’ouest le long de Fleet Street en sortant de la résidence de l’ambassadeur à
Salisbury Court. Je serrais ma cape pour me protéger de la bruine et me tenais
aussi droit que si mon torse avait été maintenu par des arceaux. J’aurais
préféré ne pas avoir à effectuer ce trajet mais Walsingham m’avait envoyé un
message pour me faire savoir qu’il comptait sur ma présence. Mieux valait ne
pas discuter. Dans l’air matinal, ma monture soufflait des nuages de buée par
les naseaux tandis que je bifurquais à hauteur du grand monument de Charing
Cross sur la route qui sortait de Londres et menait au nord, dans la campagne.
La route était plus fréquentée par ici. De petits groupes de gens à pied
allaient dans la même direction en discutant avec animation et en se passant
des flasques en cuir. Des vendeurs de tourtes passaient parmi eux en vantant
leur marchandise. Tous se rendaient au spectacle. À proximité de notre
destination, une foule de plus en plus dense bordait les rues. Les enfants
étaient grimpés sur les épaules de leurs parents pour assister au passage du
cortège.
    À Tyburn, comme on appelle cet endroit, une plate-forme en
bois avait été dressée à hauteur d’homme pour permettre à la populace de bien
voir l’événement. Sur cet échafaud était installée la table du bourreau :
un immense bloc de boucher couvert de couteaux et d’instruments divers. À côté,
on avait allumé un feu sous un chaudron rempli d’eau. Les premiers rangs se
pressaient pour tendre leurs mains vers les flammes ; on avait beau être
en juillet, l’air était humide et frais au point du jour et l’assistance
piétinait sur place en se frottant les mains avec impatience. Auprès de
l’échafaud, un gibet s’élevait au-dessus d’un chariot vide. Je tirai sur les
rênes pour me frayer un chemin au milieu de la foule. De l’autre côté, au plus
près de la potence, j’avisai des hommes à cheval qui se tenaient à distance de
la meute remuante et devinai que je trouverais Sidney parmi eux. Pendant que je
guidais ma monture, des gardes munis de lances traversèrent la cohue pour
ouvrir un chemin au cortège.
    Je découvris Sidney près du gibet, au milieu d’un groupe de
jeunes courtisans. Alors que ses compagnons semblaient de belle humeur et
parlaient fort, il tenait fermement les rênes de son cheval en observant la
scène alentour, l’air austère. En m’apercevant, il me salua d’un signe de tête,
sans sourire.
    « Mettons-nous sur le côté, Bruno, me dit-il en aparté.
Je ne fais pas partie de ceux qui se comportent comme à une foire.
    — J’aurais préféré ne pas venir du tout, avouai-je
pendant que nous nous éloignions du groupe de jeunes gens.
    — Walsingham s’est montré inflexible. Il tenait à ce
que tu viennes. Pour lui, il est important que ses hommes comprennent toutes
les implications de leur activité. On n’épargne pas la vue du sang à quelqu’un
qui part au combat, et nous ne sommes pas des enfants qui jouent à la guerre.
Notre bataille est réelle, et elle a des conséquences sanglantes. »
    Il se tourna vers

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