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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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haine.
    — Votre foi ne survivra pas aux interrogatoires,
alors ? »
    Elle faillit rire et son visage s’illumina un instant.
    « Ma foi, comme vous dites, n’était qu’un moyen
de lui plaire. S’il l’avait fallu, j’aurais adoré la Lune et le Soleil et sacrifié
un coq à minuit en l’honneur du Diable. J’étais prête à tout pour qu’il m’aime.
    — Je me souviens, vous m’avez demandé un conseil à ce
sujet. Mais je vous adjure maintenant de ne pas en dire autant le jour où l’on
vous interrogera.
    — Non, Bruno. Ne craignez rien. La geôle m’a fait
comprendre que jamais je ne supporterais des années dans un endroit pareil par
amour pour le pape. Pour Jerome, oui, mais il ne sera plus là pour s’en
apercevoir, n’est-ce pas ? Et je veux que l’enfant survive. C’est tout ce
qui compte désormais. »
    Elle se tut et fixa longuement ses mains. Je n’osais pas
bouger. Pour finir, elle fouilla au fond d’une poche cousue dans un repli de sa
robe et en tira un papier plié en quatre. Puis, traversant la pièce, elle vint
déposer le bout de papier dans ma main bandée, qu’elle garda dans la sienne
pendant quelques instants en me regardant dans les yeux. En dépit de tout, mon
cœur bondit dans ma poitrine et j’éprouvai une nouvelle fois l’envie presque
irrépressible de la serrer dans mes bras. La cruauté du destin qu’elle avait
décrit me rappelait douloureusement Morgana ; je venais de condamner une
jeune femme d’esprit à la beauté renversante à être écrasée par le poids des
conventions. Cette injustice me fendait le cœur. Je m’accrochais toujours à la
conviction que je lui avais sauvé la vie, mais je vivrais jusqu’à mon dernier
jour avec un doute : et si Jerome Gilbert avait vraiment eu l’intention
d’emmener Sophia en France et de la mettre à l’abri ? Je n’en serais
jamais complètement sûr, et elle non plus ; cette incertitude nous liait à
jamais et la culpabilité me chargeait d’une responsabilité envers elle. S’il y
avait quoi que ce soit que je pusse faire pour l’aider, je décidai que je ne
l’abandonnerais pas à son sort.
    « Écrivez-moi, me dit-elle dans un souffle.
Racontez-moi comment il est mort, ce qu’il a dit sur l’échafaud. C’est tout ce
que je désire. Voici l’adresse de ma tante dans le Kent. Je pars là-bas demain
et je ne crois pas que je reviendrai jamais à Oxford.
    — Votre père ne vous bannira pas à vie.
    — Vous ne connaissez pas mon père, répliqua-t-elle,
résignée. Si vous pouvez faire cela pour moi… »
    Sans terminer sa phrase, elle me pressa doucement la main.
Je m’efforçai de ne pas grimacer de douleur.
    « Je le ferai.
    — Merci, Bruno. »
    Elle me scruta avec intensité pendant un moment.
    « Si seulement vous étiez venu à Oxford il y a deux
ans, les choses auraient peut-être été différentes. Nous aurions sans doute…
Mais il n’est jamais bon de se lamenter sur les occasions manquées. Il est trop
tard pour moi aujourd’hui. »
    Elle se hissa sur la pointe des pieds et déposa un baiser
sur ma joue, un baiser d’une telle volupté que je crus avoir imaginé ses lèvres
sur ma peau. Puis elle me pressa une dernière fois la main.
    Alors que je partais, le cœur lourd et la tête basse, je
l’entendis murmurer : « Écrivez-moi ! » Je lui jetai un
dernier regard et la vis mimer le geste d’écrire sur sa paume en esquissant à
grand-peine un sourire désespéré. Je hochai la tête et sortis en fermant
délicatement derrière moi.
    Le recteur n’avait pas bougé depuis mon arrivée, mais il
s’était retourné maintenant et sa silhouette se découpait en contre-jour sur la
fenêtre.
    « Docteur Bruno. Je dois vous remercier d’avoir délivré
le collège d’un assassin brutal et d’un jésuite séditieux. »
    Il parlait toujours d’une voix étrangement plate, vide de
toute émotion. Je n’arrivais pas à savoir dans quel état il se trouvait et
l’ambigüité de ses paroles demandait une explication.
    « Vous savez, recteur, que ce sont deux personnes différentes ?
    — Je sais que Gabriel Norris, je n’arrive pas à
l’appeler autrement, est accusé des meurtres de Roger Mercer, James Coverdale,
Ned Lacy et Thomas Allen, et d’avoir trahi Sa Majesté. J’ai également appris
que d’autres charges pèsent sur lui, peut-être d’un intérêt moindre pour le
Conseil privé mais qui portent néanmoins un préjudice considérable à

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