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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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je me suis dit qu’ils me traiteraient avec plus d’égards.
En fait, ils voulaient seulement m’effrayer. Je suis restée dans ce trou
pendant deux heures, parmi les folles et les indigentes qui grouillaient autour
de moi, me tiraient par les cheveux, par les manches, couvertes de poux, de
plaies, abandonnées dans la puanteur, la pourriture et les immondices. »
    Elle avait terminé sa tirade d’une voix étranglée. Je fis un
pas vers elle sans le vouloir, mais elle se reprit et me toisa et je compris
que je ne pouvais lui apporter aucun réconfort : j’étais son ennemi.
    « Et que s’est-il passé ensuite ? demandai-je en
essayant de ne pas montrer mon trouble.
    — Mon père est arrivé, répondit-elle en rejetant ses
mèches en arrière. Ils étaient allés le chercher. Apparemment, on lui a dit
qu’on m’avait arrêtée en compagnie d’un jésuite notoire mais que j’avais fourni
en secret aux autorités des documents qui l’inculpaient, ce qui suggérait que
malgré tout j’étais restée loyale à la reine. Étant donné ma situation,
railla-t-elle en posant la main sur son ventre, il a pu payer ma caution pour
me faire libérer.
    — Alors… vous ne les avez pas contredits ?
    — J’ai supposé que c’était vous qui aviez raconté cette
fable à propos des lettres, répondit-elle, sans gratitude ni colère. Vous
m’avez donné l’occasion de m’en sortir, même si c’était de justesse. Et le
shérif m’a fait une faveur, je pense, en insistant pour qu’on me jette d’abord
en prison. Si je n’avais pas fait cette expérience, je me serais peut-être
obstinée à répéter la vérité, pour Jerome. Mais deux heures dans cette
fosse… »
    Elle frémit, sa main caressant doucement son ventre en un
geste protecteur.
    « Même en aussi peu de temps, j’ai eu peur de
contracter la fièvre des prisons. L’air est tellement humide, c’est un vrai
poison. Et j’avais peur aussi pour l’enfant, ajouta-t-elle dans un filet de
voix. Si son père doit mourir, il faut qu’il ait la chance de vivre.
    — J’en suis heureux, dis-je, la gorge serrée.
    — Je n’en doute pas, répliqua-t-elle. Il n’aurait pas
fallu que vos maîtres découvrent que vous épargniez une putain catholique,
n’est-ce pas ? Vous avez bien joué votre rôle, Bruno, je ne vous ai jamais
soupçonné. Remarquez, vous non plus, vous ne m’avez jamais soupçonnée.
Peut-être ne sommes-nous pas si intelligents que nous le pensons.
    — Je ne m’attendais pas que vous me remerciiez,
murmurai-je. Vous avez le droit de me haïr. Mais je n’ai agi que pour votre
bien. Il vous aurait tuée pendant la traversée vers la France, Sophia, je le
sais.
    — C’est Thomas qui vous a mis cette idée en tête.
Jerome ne me ferait jamais de mal. Il m’aime. »
    Elle se détourna pour réprimer un sanglot, ne voulant pas
que je sois témoin de sa faiblesse.
    « Il aime d’abord sa mission, dis-je. En tout cas, même
si nous avons des points de vue divergents, il est heureux qu’ils n’aient pas
passé l’épreuve de la réalité et que vous soyez toujours en vie.
    — Heureux ? Oh oui, c’est vraiment très heureux,
rétorqua-t-elle avec amertume. Ma famille va me bannir, l’homme que j’aime
mourra dans d’atroces souffrances, l’enfant que je porte me sera enlevé avant
même que j’aie le temps de le baptiser, et après cela les autorités
m’interrogeront. S’il leur plaît de ne pas m’enfermer, on me renverra chez ma
tante, peut-être à temps pour épouser un fermier ou un tavernier illettré, si
du moins il s’en trouve un pour fermer les yeux sur mes péchés. Et à qui
dois-je cette bonne fortune ? Oh oui, à vous, docteur Bruno. »
    L’espace d’un instant, ses magnifiques yeux ambrés
flambèrent de colère, mais elle était trop abattue et son air farouche la
quitta bientôt.
    « Quand vous tiendrez votre enfant dans vos bras, peut-être
me haïrez-vous moins.
    — Je ne vous hais pas, Bruno, dit-elle avec lassitude.
Je hais le monde. Je hais Dieu. Je hais la religion et les hommes qui
s’imaginent à cause d’elle qu’ils ont raison contre tous les autres.
    — On croirait entendre Thomas Allen », dis-je en
regrettant instantanément d’avoir tenté de faire de l’humour.
    À ma grande surprise, un faible sourire apparut pourtant sur
son visage.
    « Et nous avons vu où cela mène. Pauvre Thomas !
Non, la vie est trop courte pour se laisser ronger par la

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