Le prix de l'indépendance
l’assistance de hordes de provinciaux sans entraînement et armés de pelles serait plus un fardeau qu’un renfort, ce qu’il se garda de dire.
Alors qu’il essayait de voir Miriam sans la regarder directement, il surprit un bref échange de coups d’œil entre son père et le capitaine Richardson qui l’intrigua. Quand son père lui avait annoncé qu’ils dînaient avec le capitaine, il en avait naturellement déduit que le but de la soirée était de s’entretenir avec ce dernier. Pourquoi ?
Puis son regard croisa celui de Mlle Lillian Bell, assise juste en face de lui à côté de lord John, et il cessa aussitôt de penser à Richardson. Plus grande que sa sœur, avec une taille plus fine et des yeux noirs… Elle était vraiment jolie, comment ne l’avait-il pas encore remarquée ?
Lorsque Mme Bell et ses filles se levèrent de table et que les hommes se retirèrent sur la véranda, il ne fut pas surpris d’être entraîné à l’écart par le capitaine Richardson pendant que son père occupait M. Bell avec une discussion animée sur le prix du goudron. Son père pouvait parler de n’importe quoi avec n’importe qui.
Une fois échangées les amabilités d’usage, le capitaine Richardson annonça :
— J’ai une proposition à vous faire, lieutenant.
— Je vous écoute, mon capitaine.
Sa curiosité était piquée. Richardson était capitaine de cavalerie légère mais, comme il l’avait expliqué au cours du dîner, il était actuellement détaché de son régiment. Détaché pour faire quoi ?
— J’ignore ce que vous a dit au juste votre père de ma mission ?
— Absolument rien, mon capitaine.
— Ah ! Je suis chargé de collecter des renseignements dans le Département du Sud. Naturellement, ce n’est pas moi qui dirige ces opérations… précisa-t-il avec un sourire modeste. Juste une petite partie.
William devina qu’il allait devoir faire preuve de diplomatie.
— Je… euh… je me rends bien compte de la grande utilité de ces activités, mon capitaine. Mais… pour ma part, je… comment dirais-je… ?
— L’espionnage ne vous intéresse pas, suggéra Richardson. Non, naturellement. La plupart de ceux qui se considèrent comme des soldats jugent cette tâche indigne d’eux.
Son ton acerbe en disait long.
— Je ne voulais pas vous offenser, mon capitaine.
— Je ne le prends pas mal. Cela dit, je ne cherche pas à vous recruter comme espion, c’est un métier délicat qui n’est pas sans danger, mais plutôt comme messager. Si, en chemin, vous aviez l’occasion de glaner quelques informations utiles, ce serait une contribution bienvenue… et fort appréciée.
William sentit le feu lui monter aux joues. Cet homme insinuait-il qu’il n’était capable ni de délicatesse ni de courage ? Maîtrisant son agacement, il répondit simplement :
— Vraiment ?
Le capitaine lui expliqua qu’ayant déjà rassemblé des renseignements importants sur la situation dans les Carolines il souhaitait les faire parvenir au commandant du Département du Nord, le général Howe, qui se trouvait actuellement à Halifax.
— Naturellement, j’enverrai plus d’un messager, précisa-t-il. L’acheminement par voie de mer sera plus rapide, mais je souhaite qu’au moins l’un de mes hommes voyage par la route, tant par mesure de sécurité que pour effectuer des observations en chemin. Votre père m’a longuement vanté vos compétences…
Y avait-il une pointe de sarcasme dans cette voix aussi râpeuse que du papier de verre ?
— … J’ai également cru comprendre que vous connaissiez fort bien la Caroline du Nord et la Virginie. Voilà qui nousserait très précieux. Je ne voudrais pas que mon homme disparaisse à jamais dans le fameux Dismal Swamp !
— Ha, ha ! s’esclaffa poliment William en comprenant qu’il s’agissait d’une plaisanterie.
De toute évidence, le capitaine Richardson n’avait jamais mis les pieds près du Great Dismal, contrairement à William qui n’imaginait pas un homme sain d’esprit s’aventurer dans cet immense et dangereux marécage hormis pour chasser.
Il nourrissait de sérieux doutes quant à la proposition de Richardson mais, tout en se répétant que quitter ses hommes et son régiment était inenvisageable, il se voyait déjà en héros solitaire, parcourant de vastes étendues sauvages, bravant le danger et les tempêtes pour acheminer des informations capitales.
Cependant, le plus important était de savoir ce qui
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