Le quatrième cavalier
la fyrd de
Wiltunscir qui l’avait suivi. Une vingtaine d’autres bannières saxonnes
flottaient dans la horde ennemie, en dehors du fort : les Danes avaient
donc fait venir des hommes de Mercie.
Nous étions encore loin, au-delà d’un jet de flèche, et nous
n’entendions pas ce que criaient les Danes. Les hommes d’Osric composaient
notre aile droite et ceux de Wyglaf, la gauche. Nous nous déployâmes en ligne
face à la leur, mais la nôtre était bien sûr moins étendue. Nous étions presque
à un contre deux.
— Dieu nous aide, répéta Pyrlig en touchant son
crucifix.
Alfred appela ses officiers qui se rassemblèrent sous la bannière
au dragon trempée, tandis que continuait de s’élever la clameur des Danes. Il
leur demanda conseil.
Arnulf de Suth Seaxa, un homme maigre à la barbe courte et
au visage renfrogné, conseilla l’attaque.
— Nous perdrons des hommes sur les murailles, dit-il en
désignant le fort, mais quoi qu’il arrive nous en perdrons.
— Nous en perdrons beaucoup, déclara mon cousin Æthelred.
Il menait un petit groupe, mais son statut de fils d’ealdorman
mercien lui valait de figurer dans le conseil de guerre d’Alfred.
— Nous ferions mieux de nous défendre, grommela Osric. Laissons
ces gueux venir à nous.
Harald opina.
Alfred jeta un regard interrogateur à Wiglaf de Sumorsæte. Il
fut surpris qu’on le consulte.
— Nous ferons notre devoir, seigneur, quoi que vous
décidiez.
Leofric et moi étions conviés mais, le roi ne nous demandant
pas notre avis, nous restâmes cois.
Alfred regarda l’ennemi puis se tourna vers nous.
— D’après mon expérience, l’ennemi attend quelque chose
de nous, dit-il de ce ton pédant dont il usait dans ses discussions
théologiques avec les prêtres. Il veut que nous fassions quelque chose. Mais
quoi ?
Wiglaf haussa les épaules, Arnulf et Osric restèrent médusés.
Ils s’attendaient à un discours plus véhément de la part d’Alfred. Le combat, pour
la plupart d’entre nous, était un déchaînement de fureur sanglante nullement
réfléchi. Alfred, lui, voyait cela comme une partie de ce tœfl qu’il
fallait être fort rusé pour remporter. Pour lui, nos deux armées étaient des
pièces à déplacer sur un échiquier.
— Alors ? interrogea-t-il.
— Ils attendent de nous que nous attaquions, avança
Osric.
— Ils attendent de nous que nous attaquions Wulfhere, dis-je.
— Pourquoi Wulfhere ? demanda Alfred en me
récompensant d’un sourire.
— Parce qu’il est un traître, un bâtard et un résidu d’étron
de chèvre.
— Parce que nous ne pensons pas, corrigea Alfred, que
les hommes de Wulfhere se battront avec la même passion que les Danes. Et nous
avons raison, car ses hommes répugneront à tuer d’autres Saxons.
— Mais il y a Svein, objectai-je.
— Ce qui signifie ?
Les autres le regardèrent, perplexes. Alfred connaissait la
réponse, mais il ne résistait jamais au plaisir de jouer les professeurs.
— Cela signifie, dis-je, qu’ils veulent que nous
attaquions leur aile gauche, mais qu’ils ne veulent pas qu’elle rompe. Voilà
pourquoi Svein s’y trouve. Il nous retiendra pendant qu’ils lancent un assaut
depuis le fort pour nous frapper au flanc. Cela brisera notre aile droite, ils
pourront alors s’engouffrer pour nous occire tous.
Alfred ne répondit point, mais son air inquiet suggérait qu’il
était d’accord avec moi. Les autres se tournèrent vers les Danes, comme si
quelque réponse magique pourrait leur parvenir.
— Faisons donc comme le propose le seigneur Arnulf, dit
Harald. Attaquons le fort.
— Les murailles sont abruptes, l’avertit Wiglaf.
L’ealdorman de Sumorsæte, d’ordinaire jovial et rieur, était
abattu à la perspective de devoir opposer ses hommes à de tels remparts.
— Que nous attaquions le fort est le vœu le plus cher
de Guthrum, fit observer le roi.
Tout le monde resta perplexe. Pendant ce temps, l’ennemi
nous huait parce que nous ne bougions pas. Un ou deux guerriers coururent vers
nos lignes en hurlant des insultes, tandis que les autres frappaient en cadence
leurs boucliers que la pluie faisait paraître encore plus sombres.
— Que faisons-nous ? demanda Alfred d’un ton
plaintif.
Dans le silence qui accueillit ses paroles, je compris :
il n’avait aucune solution à proposer. Guthrum voulait que nous attaquions et
se souciait comme d’une guigne que ce soit les soldats aguerris de Svein
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