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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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J’ignore si j’ai pu empêcher par mon implication, mes conseils ou ma seule présence qu’elle se réalise. Peut-être est-ce ce que tu as perçu, peut-être pas, mais il faut nous y préparer et, demain, être plus encore unies, vigilantes et droites dans nos alliances, pour le bien de l’Angleterre et non seulement de ses rois. Là est notre mission première. Sauver cette terre au même titre que nous le ferions de celle de Blaye.
    — Oui, mère. Cela va de soi.
    Je ramenai derrière son oreille une mèche échappée de sa coiffe.
    — Tu es une grande dame, Eloïn, mais je voudrais qu’elle s’oublie pour quelques heures, quelques jours, qu’elle chasse de son esprit ces tourments et ses visions et qu’elle jouisse du bonheur simple qui attend les nôtres.
    Sa joue se creusa de ces fossettes que j’aimais tant, son regard, unique par sa teinte, d’une moquerie d’enfant.
    — Et vous, mère, que vous n’oubliiez pas en quittant cette chambre avec moi que ce chainse qui vous habille à peine amènerait scandale si vous ne le couvrez pas…

56
     
     
    M enue, mais à la manière d’un jonc qui plierait sans se rompre, Agnès d’Angoulême possédait cette élégance naturelle qui invitait aux regards. Face au miroir dans lequel, avec l’angoisse des grands moments, elle vacillait légèrement, j’achevai avec Marguerite de Turenne, sa mère, et ma dame d’atour de la parer pour ses épousailles. Son bliaud, d’un grenat somptueux rebrodé de roses, rasait, par le devant, des chausses d’un même ton jusqu’en leurs pointes effilées. L’arrière, lui, se prolongeait en une queue de trois toises de long. Le giron uni, aux jolis effets de damier, gracieusement ajusté par des agrafes sur le côté, accentuait la rondeur délicate de la poitrine et révélait une taille souple ceinturée d’une fine chaîne d’or reprise plus bas, sur les hanches, et terminée par des bouts pendants. Les manches ballons arrêtées avant la saignée du coude s’ouvraient ensuite en corolle pour se perdre dans les plis de la traîne et laisser voir la blancheur du crêpe de soie qui enveloppait le bras pour finir en bague de maintien autour du majeur. Marguerite et moi avions voulu qu’Agnès choisisse elle-même le tissu, le modèle et les motifs de broderie. Ne lésinant sur rien puisque Aliénor avait puisé dans le trésor ducal pour que ce mariage fasse date. De sorte, je dois l’avouer, que nous avions quelque peu forcé le trait des attentes de la jouvencelle.
    — Ne craignez-vous point que cela paraisse trop sur moi ? s’inquiéta-t-elle avec sa modestie coutumière.
    Marguerite vint se placer derrière elle, les deux mains à plat sur ses épaules pour la gratifier du reflet de son sourire. Elles possédaient le même, chaleureux et bienveillant.
    — Ne veux-tu point l’éblouir ?
    — Lui plaire me suffit bien, mère. Je ne voudrais pas que, à me découvrir dans cette magnificence, il me regarde moins lorsqu’elle sera retombée.
    Ce fut à mon tour de me rapprocher d’elle, laissant ma fidèle Camille, à quelques pas, préparer ses épingles pour ajuster la coiffe.
    — Douterais-tu de ses sentiments ?
    Son visage s’illumina.
    — Oh non ! dame Loanna ! Ils sont purs et profonds, je le sens bien. Mais le troubadour se nourrit de sublime quand l’homme s’accorde au commun. Lui donner à rêver de l’un quand le quotidien ne lui offrirait que l’autre, n’est-ce point rouerie ?
    Une bouffée de tendresse me balaya, que Marguerite emporta dans un rire avant d’embrasser la joue au velouté de pêche.
    — Fi, ma fille ! Fi ! Ce ne sont point tes effets qui le transportent, mais bien ton âme. Habille-la toujours des sentiments les plus nobles, lors, entre ses bras, tu brilleras bien mieux que d’or ou de diamants.
    Je lui pris la main en retour, qu’elle sente à quel point je l’aimais déjà, telle ma fille.
    — Il y a longtemps déjà, son père me donnait aube et par sa voix j’apprenais à quel point le manque de moi lui était tourment. Je connais mon fils, Agnès. Son amour pour toi sublime ses cansouns et non l’inverse. Ne crains pas l’usure des jours. Au contraire. Réconforte-t’en comme d’une promesse qui vous amènera plus loin l’un au-devant de l’autre.
    Son regard se piqueta d’étoiles, dans lequel nous lûmes, sa mère et moi, la fin de ses doutes. Nous nous écartâmes pour laisser Camille, aussi troublée que nous, tresser ses

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