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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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accepteront d’y venir. C’est une grande ambition, ma mère, et je suis fière d’en partager la lancée.
    À la manière dont elle s’enorgueillissait des directives de son « promis » si souvent nommé avec une pointe d’admiration, nous comprîmes, Aliénor et moi, qu’elle aimait cet homme qu’on lui avait imposé. Quant à lui, le regard de douceur qu’il posait sur elle nous assura qu’elle serait toujours chérie et comblée.
    Le soir venu, qui vit festoy de bouche et d’entremets, Aliénor réclama à notre hôte quelques minutes d’aparté dans une pièce voisine de la salle de réception qu’elle venait de quitter.
    La porte à peine refermée sur leur tête-à-tête, elle le couvrit d’un regard que les vins pétillants de Champagne avaient légèrement grisé.
    — Je vous veux remercier, messire, pour la chaleur de votre maison. Je l’imaginai terne comme du temps de votre défunt père, je la découvre aussi riche de musique, de jeu, de vin et de cour que celle d’Aquitaine. Vos trouvères, s’ils ne parlent la même langue, ont le talent de mes troubadours. Non, non, ne m’interrompez pas, insista-t-elle en le voyant ouvrir la bouche.
    Elle posa la main sur son bras.
    — Vous rendez ma fille heureuse et vous l’aimez.
    Elle se mit à rire, les yeux pétillants de gaîté.
    — Seigneur Jésus, mon ami, vous l’aimez !
    — Oui madame. Je l’avoue. Dès le premier regard que j’ai porté sur elle, à son arrivée. Par sa dignité même, son courage et, peu à peu, cette douceur d’être qui l’a prise ici au point de sembler y avoir toujours été.
    Aliénor tapota le dessus de la manche, évasée tel un entonnoir.
    — Je vous demande pardon, cent fois, d’avoir imaginé le pire à votre sujet quand je vous découvre plus digne d’être mon gendre que beaucoup d’autres de ma maisonnée. Me l’accorderez-vous, avec votre amitié ?
    — J’en serai fort honoré.
    — Alors me voici comblée…
    Elle accusa une moue désolée.
    — Pour ce qui est de votre frère, en revanche…
    Henri de Champagne eut un sourire qui illumina plus encore ses traits réguliers.
    — Ne vous fiez pas à ses manières. C’est un emporté mais il est bon, croyez-moi. Son escorte sera là demain avec la petite Alix, que j’ai vue il y a quelques semaines. Vous le constaterez par vous-même. Elle aussi a changé. Malgré la tristesse qui fut sienne les premiers jours de votre éloignement, elle s’est rendue à la vivacité. Thibaud est généreux et prévenant. Elle est autant choyée que Marie.
    Aliénor éclata d’un rire clair.
    — Ma foi, mon ami, devant de tels arguments, je ne vois plus aucune raison de m’inquiéter.
    Il la raccompagna à la porte en ajoutant, sincère :
    — Les coutumes sont parfois cruelles au cœur d’une mère, mais elles forgent le caractère des dames et je veux parier que vos filles l’ont assez bien trempé pour d’une contrainte faire une destinée.
    — Vous me plaisez, mon gendre. Oui, vraiment, ponctua Aliénor. Vous me plaisez.
     
    Au lendemain, de fait, Alix nous fut rendue pour quelques heures. Avertis de son escorte, nous quittâmes la salle de musique où, sur l’insistance de Marie, nous étions joliment occupés à apprendre une des danses locales. La fillette nous apparut dans le hall d’entrée du castel avec ses boucles noires tressées de rubans et enroulées autour de ses oreilles, des petits cabochons d’améthyste emperlés autour d’un cou gracieusement dégagé par une chape rabattue sur l’épaule, et un bliaud de soie prune qui battait le bout pointu de ses souliers. Thibaud de Blois avait voulu, pour nous impressionner, la marquer de magnificence. Plus que ses atours pourtant, ce furent ses joues rebondies et vives qui nous rendirent à la raison du comte de Champagne. Elle se portait, comme sa sœur, bien mieux que nous ne l’avions espéré. Mon seul regret fut de voir, derrière elle, s’inviter la silhouette du balafré. M’étant préparée à cette éventualité je décidai de n’en tenir pas compte et, même, de faire bonne figure. N’étions-nous pas ici pour conclure la paix ?
    Ce ne fut pourtant pas vers sa mère qu’Alix courut, sitôt débarrassée de son mantel de voyage sur le bras tendu d’Anselme de Corcheville, ni vers sa sœur qui s’était avancée, mais vers Eloïn. Son petit cri de surprise en la découvrant qui achevait, derrière moi, de descendre les marches du grand escalier,

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