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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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une des fenêtres hautes et étroites qui dominaient la Seine. Il s’attarda à sa contemplation, au travers de ces vitres qu’Aliénor avait fait succéder au papier huilé. Je ne bougeai pas. Sa voix, altérée de tristesse, embua le carreau avant de s’envoler jusqu’à moi :
    — C’est une grande reine… une grande reine dont la France s’est privée… dont je me suis privé par trop de prières. Je n’ai compris la valeur de l’amour qu’en perdant Béatrice de Campan {3} . Il était trop tard pour Aliénor… Ma flamme s’est réveillée. Pas la sienne. Quoi de plus normal, en vérité ? Je n’ai jamais donné à son jardin les fleurs qu’elle espérait.
    Il se tourna vers moi dans cet habit qui, pour être d’orfroi, n’en demeurait pas moins aussi terne que ce palais. Seul son visage, baigné d’un rai de soleil, redonnait au roi un semblant d’éclat sous la pâleur du teint. Il tendit sa main vers moi pour m’inviter à me lever. Le roi me donnait congé.
    — Regrets et remords se partagent ma rancœur trop souvent, Loanna de Grimwald. Vous avez raison, il est temps de les faire taire.
    Je voulus lui offrir révérence. Sa main à l’intérieur de mon avant-bras suspendit mon incliné.
    — Non point. C’est moi qui, ce jour, suis votre obligé.
    Je me redressai. Louis s’éclaircit le timbre d’une toux sèche derrière son poing fermé, puis enroula son bras sous le mien pour me ramener vers la porte.
    — Dites à Aliénor que je ne saurais taire une coutume qu’elle-même va me faire appliquer. Ses filles demeureront chez leurs promis. Je me refuse à mécontenter ces derniers par la dérogation qu’elle demande.
    Je me raidis. Il s’immobilisa pour me faire face et me couvrir d’un sourire bienveillant.
    — Qu’elle œuvre à la paix avec la maison de Blois-Champagne et je la servirai. Ainsi, dans ce chemin commun, gagnerons-nous ensemble… Sans que l’honneur de l’un ou de l’autre soit menacé.
    — Cette attention vous honore, admisse.
    — En échange, Loanna de Grimwald…
    Je ne le laissai pas achever sa phrase.
    — Que Votre Majesté soit sans crainte. Je garderai pour moi ce qu’elle m’a avoué. En retour de cette confiance, acceptez pour vraie la prédiction que je vous fais.
    Il ne marqua pas la surprise que j’attendais. Tout au contraire, il sourit légèrement.
    — J’ai eu preuve à Antioche que le Tout-Puissant était à vos côtés. Parlez.
    — Vous aurez un héritier… né d’un troisième hyménée.
    Il tiqua sur ce dernier point, puis m’embrassa au front comme un prêtre l’aurait fait.
    — Merci. C’est un grand fardeau que vous m’ôtez.
    Dans la seconde qui suivit, mon capuchon rabattu sur sa bénédiction, je repartis comme je le laissais. En paix.
     
    Quelques semaines plus tard, Henri lui-même se présentait au palais de la cité et tombait genou à terre devant son suzerain. Il prêta allégeance pour ses domaines et ceux d’Aliénor, puis négocia le départ de la petite Marguerite. A seule condition, nota Louis pour garder la face, qu’elle ne soit pas élevée par Aliénor mais par un chevalier dont les actes et la piété, exemplaires, garantiraient les deux parties. Robert de Neubourg accepta l’honneur qu’on lui fit de s’en charger et s’en fut dans le sillage d’Henri avec l’enfançonne.
    Mon roi n’était pas plutôt de retour à Rouen qu’un messager lui annonçait la mort de son jeune frère, Geoffroy, lequel, enfin calmé de ses prétentions sur l’Angleterre, venait de prendre possession du duché de Bretagne. Si le chagrin d’Henri se perdit dans celui de l’emperesse Mathilde, il fut plus vite qu’elle à se ressaisir. Il envoya un bref à Paris, réclamant la succession de son cadet au titre de sénéchal de Bretagne. Louis la lui accorda par retour de courrier et en profita pour solliciter le droit de passage sur ses terres normandes. Il souhaitait se rendre en pèlerinage au mont Saint-Michel.
    «  L’occasion, ajoutait-il, de juger de quelle jolie manière ma fille est soignée. »
    Mais, en cachetant le parchemin, c’était à Aliénor qu’il songeait.
     
    Fin août, cette dernière s’inclinait devant lui avec cette même grâce qu’il avait connue autrefois. Si le corps tout entier était alourdi par huit mois de grossesse, le visage, pourtant épaissi, trahissait l’épanouissement de son état de reine, de femme et de mère. Il la trouva, contre son gré, plus

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