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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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offrant caches innombrables à qui voulait s’éviter. De plus, n’étant pas plus familière de l’endroit que du parler local, il me fut difficile d’obtenir le moindre renseignement. J’étais prête à renoncer lorsque le hasard me fut propice. Il sortait d’une pièce, je passais dans le corridor qui la desservait. Un pas de plus et je butai sur lui. Il se figea, porta instinctivement sa main au côté, là où s’accrochait sa dague. Curieusement, au lieu de craindre cette lame par trop de fois rencontrée, je me fendis d’un sourire amer en lui désignant la souillon qui frottait, plus loin.
    — Vous m’égorgerez ailleurs, Anselme. On vient juste de lessiver le plancher.
    Il retira ses doigts, haussa les épaules et voulut se détourner. Je le retins par la manche.
    — Non. Vous ne me fuirez pas, cette fois.
    Il me toisa, un rictus cruel au bord des lèvres.
    — Vous fuir ? Vous oubliez trop le nombre de fois où je vous ai cherchée.
    — Je n’oublie rien. Croyez-moi. Et vous non plus, semble-t-il.
    Ses traits se firent mauvais. Il se dégagea brutalement de ma maigre emprise.
    — Je n’en ai plus après vous, que cela vous suffise. Je suis pressé.
    Mon cœur s’emballa dans ma poitrine. Il prit le pas. Je le suivis. Dans l’étroitesse du couloir long encore de plusieurs toises, il ne pouvait m’éviter qu’en se rabattant dans une des salles attenantes, mais les portes étaient fermées.
    — Non, monsieur, cela ne me suffit pas. J’ai vu votre regard tantôt sur ma fille.
    Il ne répondit pas. Accéléra l’allure. Devant nous, agenouillée sur le sol et nous tournant le dos, la servante venait de retremper sa brosse dans le baquet.
    — Elle ressemble à ma mère, ma vraie mère. Aude de Grimwald.
    Sa paupière gauche tressauta. J’insistai.
    — Vous vous souvenez d’elle, je le sais.
    Avertie par mon timbre, la souillon s’empressa de se lever. Elle n’eut que le temps de se plaquer dos au mur. Anselme de Corcheville toqua méchamment dans le seau, lui inondant les pieds. Espérait-il que j’en ralentisse ma course ? Je n’en fis rien. Au contraire. Sautant par-dessus l’obstacle renversé, je me ramenai à sa hauteur.
    — Le silence vaut aveu. Donnez-moi la vérité à son sujet.
    Il s’arrêta, net. Dans la fraction de seconde suivante, les deux bras immobilisés par sa poigne, je me retrouvai plaquée au mur. Une rage douloureuse le défigurait, faisant palpiter une veine d’autant plus hideuse sur sa tempe que la cicatrice la barrait.
    — Elle m’a volé ma vie, voilà la vérité !
    Son étau me broyait. Mais je ne baissai pas les yeux.
    — N’est-ce pas plutôt l’inverse ?
    Il me décolla du mur pour mieux m’y replaquer, meurtrissant violemment mon dos et ma nuque contre les pierres. J’entendis s’éloigner la servante à grands pas. Je savais par expérience ne rien pouvoir attendre d’elle. Curieusement, je n’avais pas peur. Juste mal. Je persistai :
    — C’était vous, le cavalier noir. Vous qui l’avez enlevée après avoir incendié le castel. Vous qui m’avez privée d’elle.
    Ses traits se durcirent. Il me bouscula de nouveau. Le haut de mon crâne se meurtrit par deux fois au mur, m’assommant à moitié.
    — Tu ne sais rien. Rien de ce qui s’est passé.
    Mon regard se troubla.
    — Non, je ne sais rien. Et c’est là mon tourment. Ni quand, ni comment elle est morte.
    Mes yeux s’embuèrent. Il se colla à moi, chercha mon oreille.
    — Alors nous sommes à égalité. Et pourtant, tu peux m’en croire, j’ai cherché. Oh oui ! je l’ai cherchée pour lui faire payer cette jolie marque sur mon visage. Le temps que je m’en éponge, elle n’était plus dans sa chambre. Disparue, la sorcière. Disparue avec mon stylet. J’ai tout perdu à cause d’elle. Mon nom, mon rang, mes terres. Mes traits. Tout. Tout.
    Ses bras retombèrent. Il s’écarta, chancela un instant puis me tourna le dos. Je le laissai avancer de quelques pas, sonnée autant par ses révélations que par sa violence.
    — Pourquoi ? Pourquoi elle ?
    Il se retourna vers moi, me fixa froidement comme s’il me jugeait digne ou non d’une justification, puis lâcha, amer :
    — Je la voulais. Pour moi seul, c’est vrai. Mais aussi parce que j’étais son seul rempart contre le bûcher. Au lieu de quoi, elle s’est échappée après m’avoir maudit pour l’éternité.
    Je baissai les yeux. Il s’éloigna. Tout le temps que son

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