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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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laissant dubitatif, je m’éloignai. Parmi les familiers du roi qui se tenaient en la place, aussi austères que ce vieux palais l’était, se trouvaient encore quelques dames dont j’étais sûre de l’amitié et qu’il m’aurait chagrinée de ne pas saluer.

18
     
     
    L ouis nous installa dans les bâtiments du Temple avec notre escorte. Dès cet instant, Thomas Becket prit soin d’abreuver de bière les petites gens venus en curieux, se ravitailler dans les marchés alentour au prix le plus élevé et de couvrir le roi autant que ses familiers de présents inestimables. Henri lui avait recommandé de séduire. Il s’y employa. Il ne fallut pas plus de huit jours pour que Louis soit conquis par l’érudition autant que la magnificence de celui qu’il avait autrefois croisé dans les jardins de son palais. Au soir du neuvième, l’affaire était conclue. Marguerite épouserait Henri le Jeune, scellant ainsi une paix durable entre les deux couronnes.
    Au matin du dixième, Louis ayant accepté de me recevoir en privé, je ne baissai le capuchon que j’avais rabattu sur mon front qu’en son cabinet. Je m’attendais à sa froideur, qu’il affichait depuis mon arrivée à Paris, je fus cueillie par son air avenant.
    — Il y a fort longtemps que vous n’aviez demandé audience.
    Tout en m’attardant à ma révérence, je lui renvoyai la chaleur de son timbre.
    — La distance, Votre Majesté…
    Il tendit sa main. Je la pris volontiers. Je m’assis dans le fauteuil devant lequel il la lâcha avec le curieux sentiment de me retrouver quelques années en arrière, dans cette fraction de nos vies où, sans avoir été amis, nous nous convainquions de respect. Il s’installa face à moi, croisa les jambes et noua ses doigts osseux sur son genou. Un silence. Je le brisai d’un sourire plus appuyé. Louis soupira.
    — A quoi s’attend-elle ? A mon pardon ? Je ne peux le lui accorder. C’est au-dessus de mes forces, dame Loanna.
    Je lui sus gré de sa finesse d’analyse autant que de sa sincérité. Elles nous épargnaient du temps et du verbiage. Je me renfonçai contre l’assise.
    — Vous la savez trop fière pour seulement l’espérer.
    Son front se plissa, accentuant l’amertume de son regard.
    Derrière, je le sentais, se cachait la douleur profonde de ne pas avoir été aimé.
    — Alors quoi ? Ma clémence ? Quand elle me nargue et bafoue mon autorité ?
    Sa voix, une seconde reprise de colère, s’était brisée, autant sans doute qu’Aliénor l’avait brisé, lui. Louis tombait le masque en toute confiance. Je m’en sentis honorée. Touchée plus profondément que je ne l’aurais cru. Je cherchai son regard dans lequel tentait de s’accrocher la noblesse d’un règne que ma seule présence lui avait volée.
    — Ce n’est pas la reine qui m’envoie, mais la mère. Une mère qui espère de vous dérogation pour embrasser ses filles. Vos filles, Majesté.
    Il s’efforça de paraître surpris.
    — Ainsi donc elle les aime…
    — En doutiez-vous ?
    Son visage se teinta de quelque couleur sans doute grâce au sentiment d’une petite victoire.
    — Sa lettre marquait plus d’indifférence à me les laisser que d’espoir de me les reprendre.
    Je laissai s’envoler un petit rire. Pour détendre la tension qui s’était installée.
    — Ne la connaissez-vous point, qui ne souffrirait d’aucune manière qu’on la voie défaite ou abîmée ?
    — Elle le fut ?
    — Elle le fut, Votre Majesté. En cela, croyez-moi, vous fûtes vengée de tous les affronts passés.
    Il dodelina de la tête, oscillant soudain entre le plaisir de cette annonce et le péché de s’en régaler. Puis soupira.
    — Je devrais m’en réjouir, autant que je l’avais espéré, mais à la vérité…
    Il balaya l’air d’une main lasse. Je compris.
    — À la vérité, vous n’avez jamais cessé de l’aimer…
    Il leva vers moi un regard troublé, qu’il rebaissa aussitôt.
    Un murmure.
    — Vous entendre le formuler, dame Loanna, m’en révèle l’évidence. Mais par cet aveu même, je mesure combien je lui en veux d’être, par un autre, heureuse et comblée.
    Qu’avais-je à répondre ? De nouveau le silence emplit l’espace clos de cette petite pièce aux lambris aussi sombres que les rideaux de samit, et dans laquelle la lumière du jour n’éclairait qu’une écritoire encombrée de parchemins. Louis se leva. Mains croisées au dos, il s’en fut se planter devant

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