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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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liquéfié.
    — Et pourquoi donc, ma mie ? Ne m’aimez-vous plus ?
    — C’est vous, Henri, qui ne m’aimez pas assez.
    Il avait embrassé ces mains brûlantes de fièvre.
    — Sotte idée, ne me voyez-vous pas suspendu à vos souffles, à vos moindres désirs et volontés ?
    — Futilités. Futilités pour me tenir à raison, quand vous me refusez l’essentiel au risque que j’en meure.
    Il s’était mis à trembler, presque autant qu’elle de fièvre.
    — N’est-ce pas vous qui refusez d’enfanter ?
    L’œil, affadi, de Rosamund s’était rehaussé de colère.
    — Je ne serai jamais la mère d’un bâtard ! Ne vous suffit-il pas de m’avoir perdue aux yeux de Dieu, voulez-vous encore que je sois salie aux yeux des hommes ?
    Il avait baissé le regard. Rosamund avait gémi. Il s’était affolé, avait saisi la bible posée sur le chevet, glissé sa main droite dessus et murmuré :
    — Devant Dieu et ce jourd’hui, je fais serment d’épousailles à votre égard, Rosamund Clifford, si un veuvage me vient.
    — Et s’il ne vient pas ?
    Il n’avait hésité que quelques secondes.
    — Malgré son étonnante constitution, la reine entre en un âge où les grossesses lui sont interdites. Une de plus risque fort de la tuer.
    Rosamund avait guéri dans cette attente. Aliénor avait porté gros ventre et faiblesse jusqu’à ses couches. Pour autant, elle s’était relevée. Loin d’en consoler Rosamund, de la rejoindre ou de la faire quérir, Henri était demeuré sur le continent pour, ensuite, dès son retour, agir avec elle comme si de rien n’était. Et pire encore. Rosamund devait se contenter d’instants volés. Y pouvait-il grand-chose ? Aliénor s’attardait en Angleterre, à son côté. Rosamund vivait plus que jamais recluse. L’affaire Becket, plaidait Henri dans un soupir exaspéré. Qui mieux qu’elle savait ce que ce désaveu cachait ? La couardise d’un roi, le parjure d’un roi qui avait préféré la fuir et, en place du trône promis, lui offrir un palais.
    — Un autre enfant, bientôt, viendra y remédier, avait-il assuré en la voyant éplorée.
    Cette fois, il avait tenu parole. Après quatre années de stérilité, Aliénor avait de nouveau porté gros ventre. Elle venait d’avoir quarante-trois ans. Rosamund s’était embrasée d’espoir. En octobre 1165, une petite Jeanne était née au couple royal. Tandis que Rosamund serrait les poings sur sa colère, les cloches s’envolaient pour saluer le miracle. La mère et la fille se portaient bien. La voyant dépérir et craignant de nouveau de la perdre, Henri avait renvoyé Aliénor sur le continent, limité les arbitrages et le pouvoir de son épouse en Angleterre. Renouvelé sa promesse. Mais, sous l’air apaisé de Rosamund Clifford, la haine couvait. Une haine dont Henri lui-même ignorait la puissance destructrice.
     
    Ce 20 septembre de l’an 1166, dans cette demeure bordée d’un étang sur lequel glissaient sans bruit de superbes cygnes, Rosamund avait pris sa décision. Elle frotta l’intérieur de ses poignets avec une goutte d’essence de rose puis fit entrer la servante qu’elle avait mandée.
    — Mes malles sont-elles chargées ?
    — Oui madame.
    — Mon escorte ?
    — À vos ordres.
    — Bien… Tu peux vaquer.
    Rosamund s’attarda quelques minutes encore dans cette chambre où Henri, si souvent, l’avait rejointe, aimée, épuisée. Le temps de ramasser un collier de perles dans une coupelle puis un petit coffret dans une niche au mur, derrière une des tapisseries. Prise d’une excitation malsaine, elle fit rouler le bracelet qu’elle portait au poignet jusqu’à libérer une petite clef cachée au creux même des maillons. Avec précaution, elle l’enchâssa dans la fine serrure, la tourna puis releva le couvercle de l’écrin. Sur un fond de velours noir, une fiole de verre fumé attendait son heure.
    D’un ongle carminé, Rosamund en suivit les contours arrondis, un sourire aux lèvres. Un de ces sourires mauvais que nul, sinon son reflet dans les miroirs, ne voyait jamais.
    La reine était à trois semaines d’accoucher de nouveau, lui avait annoncé Henri la veille. Cette fois, Rosamund Clifford ne laisserait pas le hasard s’en mêler.

34
     
     
    A l’effroi qui voila les traits d’Henri, rieur et gai la seconde précédente, je compris qu’il n’attendait pas à la cour cette jolie personne qui venait de s’y présenter. Les pas de Rosamund

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