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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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rejoint Dieu. Ce n’étaient là que ses restes mortels, qu’il fallait traiter avec toute la dignité que je pouvais rassembler. Je me sentais déterminée ; je refusais de me laisser intimider par la brutalité de Lancastre.
    Je quittai le bois et gagnai la route où je pourrais trouver de l’aide. Finalement quatre cordonniers qui apportaient leurs marchandises à Warwick acceptèrent de m’assister contre une pièce d’argent. Ils arrêtèrent leur chariot, prirent une échelle et me suivirent dans le bois. Que Dieu les bénisse ! C’étaient des hommes robustes qui, sans poser beaucoup de questions, déposèrent le cadavre sur l’échelle, la tête enveloppée dans un sac près de lui, et chargèrent le tout dans leur charrette. Je les persuadai de faire le court trajet jusqu’au château de Warwick où je demandai à entrer. En demi-armure, un gobelet de vin à la main, Warwick en personne descendit. Il sortit, refusant de jeter ne serait-ce qu’un coup d’œil à notre macabre fardeau.
    — Dame Mathilde, vous ne pouvez ni demeurer ici ni y apporter la dépouille. L’affaire est close.
    Il tourna les talons et repartit dans le corps de garde alors que je l’insultais et le suppliais pour l’amour de Dieu et de Sa mère bien-aimée de montrer un peu de pitié envers le défunt.
    — Madame, déclara un des cordonniers, nous avons fait ce que nous pouvions ; il vaudrait mieux que nous le ramenions à l’endroit d’où il vient.
    Ils firent demi-tour en dépit de mes protestations. Nous étions sur le point de renoncer, d’emprunter cette ruelle que Gaveston avait suivie pour rejoindre le lieu de son exécution, lorsque je m’entendis appeler. Frère Alexandre, en bure noir et blanc, se tenait au coin d’une rue ; derrière lui des frères lais de sa maison conduisaient une carriole. Le dominicain s’avança, tout sourire.
    — Dame Mathilde, dame Mathilde !
    Il m’aida à descendre de la charrette des cordonniers et se contenta, quelques secondes, de me tenir les mains tout en récitant en silence le requiem.
    — Vous avez là le corps de Lord Gaveston, dit-il en désignant le chariot. Madame, vous avez tenu parole. Vous avez respecté votre engagement. Nous nous en chargerons à présent.
    Je ne pouvais m’y opposer. Que faire d’autre ? Frère Alexandre fit venir ses compagnons. Les restes du favori passèrent des cordonniers aux dominicains. Le prêtre me fit face, leva la main pour esquisser une bénédiction, puis s’en fut. Je regardai la carriole s’éloigner en brinquebalant.
    Frère Alexandre tint sa promesse. Les dominicains, que Dieu les bénisse, emportèrent les restes de Gaveston dans leur maison d’Oxford. Il y fut lavé, oint et embaumé ; on recousit la tête avec un fil d’argent et on plaça le cadavre dans un cercueil ouvert. Si je ne me trompe pas, deux ans s’écoulèrent avant que le roi finisse par accepter qu’on enterre le corps embaumé de l’homme qu’il aimait « plus que tout autre ».

CHAPITRE X
~
Par Dieu, il s’est conduit en fol !
    Je repartis au château de Warwick dont l’entrée me fut refusée. Un chambellan affable accepta d’aller quérir mes possessions dans ma chambre, au-dessus de la grand-salle. Il me donna même un balluchon de nourriture et une petite gourde de vin. Je le remerciai et décidai de me loger dans une vaste taverne du village. J’utilisai les pièces d’or et d’argent cachées dans une poche secrète cousue à ma ceinture pour y louer une chambre bien meublée. Je me rendis aussi au marché afin d’acheter quelques habits neufs, car je me sentais salie, souillée, éclaboussée, par ce dont j’avais été témoin. Je revins dans ma chambre, me dévêtis, me lavai, me passai de l’huile sur le corps et m’habillai. Après quoi je descendis un ballot de mes effets et le remis entre les mains d’une mendiante au coin d’une venelle. Je passai trois jours à la taverne, à me reposer et à me nourrir. J’offris une pièce au tavernier afin qu’il me renseigne sur ses hôtes et sur leurs déplacements. Le quatrième jour je rencontrai des lainiers se rendant à York qui consentirent à ce que je voyage avec eux.
    Le surlendemain, j’étais à York et je me dirigeai vers la maison des dominicains. Le père prieur me fit bon accueil et m’affirma que, bien que la Cour, le roi comme la reine, se soit maintenant installée à l’abbaye St Mary, plus confortable, j’étais cependant la bienvenue

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