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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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bouillon de viande et de légumes, du pain de gruau encore chaud enveloppé dans une toile de lin et un petit pot de beurre. Nous nous lavâmes les mains dans l’eau de rose qu’on nous proposait. Ausel prononça une brève bénédiction. J’allais prendre la parole pour rompre le silence quand il se pencha en avant. Avec ses grands yeux sombres dans son visage blême, il semblait encore sous l’emprise de la folie du combat.
    — La langue, dit-il à mi-voix. Qu’elle est petite ! Mais une flammèche peut faire brûler une forêt. La langue, continua-t-il en sortant sa cuillère de corne, est en elle-même un monde malfaisant. Elle peut infecter tout le corps de son poison. Elle peut, munie du feu de l’Enfer, enflammer le monde entier.
    Il fixait quelque chose derrière moi.
    Je me retournai. Un homme encapuchonné s’était aventuré vers nous mais était reparti. Nous mangeâmes sans piper mot. Ausel se leva, me salua d’un hochement de tête, tapota l’épaule de Demontaigu et s’éloigna.
    — Qu’y a-t-il ? questionnai-je.
    Bertrand posa un doigt sur ses lèvres. J’embrassai la salle du regard. L’homme encapuchonné était revenu. Je scrutai avec attention cet individu vêtu de grossière toile vert sombre et de courtes bottes en cuir. Son capuchon étant profond, je ne pus apercevoir qu’un visage blanc aux traits tirés. Sans hésiter, il se tourna pour nous faire face ; ses yeux cernés nous dévisagèrent dans son visage spectral.
    — Votre compagnon s’en est allé ? murmura-t-il. Est-il en quête de la Clé de David ?
    Demontaigu leva sa chope pour l’accueillir.
    — Non, mon ami. La Clé est inutile. Le Tabernacle de Salomon a disparu !
    Le nouveau venu tressaillit.
    — Disparu ? s’étonna-t-il d’un ton rauque.
    — Il a été détruit là-bas, sur la lande, expliqua Bertrand sans ambages.
    L’arrivant leva la main, paume ouverte, en signe de paix.
    — En ce cas, ami, je m’en vais.
    Il traversa la pièce et franchit la porte.
    — Qui était-ce ? m’enquis-je.
    — Roger Furnival. Un hors-la-loi, un proscrit, un prêtre défroqué. Il devait nous rencontrer céans avec nos camarades de retour d’Écosse. À présent…
    Il haussa les épaules.
    — Et que voulait dire Ausel avec son étrange discours sur la langue ?
    — Quelqu’un nous a trahis, Mathilde. Peut-être sans le vouloir. Ausel désire que nous allions voir Geoffrey Lanercost pour l’interroger.
    Il prit ses gants et s’apprêta à se lever.
    Je lui saisis le poignet.
    — Qu’a donc fait Ausel là-bas sur le sentier, Bertrand ?
    — Sa parole est semblable à l’argent sept fois recuit qui sort d’un fourneau. Il a juré de se venger sans nulle merci d’Alexandre de Lisbonne.
    — Et dans la sente ? insistai-je.
    — Il a décapité le chien et ses quatre maîtres. Et il a disposé les têtes sur le chemin, à l’endroit où il s’étrécit entre les affleurements.
    Demontaigu s’interrompit et me lança un regard apitoyé du coin de l’œil.
    — C’est une coutume celte. Il leur a aussi tranché les génitoires et les a fourrées entre leurs lèvres béantes. Ausel a ainsi prévenu Lisbonne que notre combat serait une lutte à l’outrance* – à mort…

CHAPITRE II
~
L’Angleterre n’offrait nul refuge à Gaveston
    Vivre à la Cour signifiait mener une existence aux couleurs variées, allant de l’argent et de l’or les plus brillants au noir le plus soutenu. C’étaient de magnifiques étalages de puissance dans le déploiement de bannières et de pennons richement colorés qui claquaient avec fierté sur un ciel d’un bleu impitoyable, des tables couvertes du damas le plus pur qui craquaient sous les plats sertis de gemmes, les jattes et les gobelets débordant de mets exquis, de fruits succulents et des meilleurs vins de Bordeaux ou du Rhin. Des tapisseries aux vives nuances ornaient les murs et descendaient jusqu’aux carreaux taillés de la façon la plus adroite. Dans ces somptueuses galeries, princes, grandes dames et seigneurs paradaient en drap d’or ou en onéreuses étoffes enrichies de joyaux.
    Dehors, de puissants destriers aux superbes harnais se cabraient et hennissaient tandis que les chevaliers en armures scintillantes se préparaient à rompre des lances et à jouter dans les lices proches au sable ambré. Des trompettes retentissaient. Des cornes sonnaient. Des cloches carillonnaient. Dans les sanctuaires de la Cour, des prêtres en chapes

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