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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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éclatantes sous la protection de hauts jubés rendaient le Christ ressuscité à Son Père. La lumière qui pénétrait à flots faisait miroiter les vitraux des fenêtres. La fumée blanche et généreuse de l’encens parfumait l’air. Des chœurs entonnaient le Christus Vincit. À deux pas de là, des clercs, dans des salles lambrissées de chêne, saisissaient leurs plumes pour rédiger d’importantes lettres officielles scellées à la cire pourpre. Devant la chambre se rassemblaient chevaliers et soldats en armure pressés d’exécuter les ordres du souverain.
    La vie à la Cour présentait pourtant d’autres aspects, telles les faces du dé de la fortune attendant de se retourner. On perpétrait d’épouvantables meurtres dans des landes désertes, de puantes venelles, de misérables tavernes ou des galetas infestés de rats. C’était un univers où les assassins, encapuchonnés et masqués, se glissaient comme des ombres par les portes, poignards ou garrots prêts à l’usage. On servait du vin toxique et des mets empoisonnés. De noirs échafauds croulant sous les cadavres se découpaient sur le ciel, pendant que, de l’autre côté de l’esplanade, le sang des têtes coupées fichées sur de hauts portails ruisselait et frappait la terre comme des gouttes de pluie. La trahison, la félonie, le carnage, la traîtrise, l’hypocrisie et l’orgueil s’avançaient comme des démons jumeaux revêtus de toutes les horreurs de la mort et des angoisses de la tombe. J’avais été témoin de tout cela, que ce soit dans de luxueux pavillons aux belles chambres, des cabinets de travail ou des greniers tapissés de toiles d’araignée où la vermine s’introduisait en rampant sous les portes.
    Ce contraste m’accabla quand nous revînmes au prieuré franciscain, dans le saint et tranquille cloître fleurant l’eau embaumée d’herbe dont les frères se servaient pour récurer les dalles grises. J’interrogeai Boudon, l’économe, qui m’informa non sans arrogance que la reine conférait avec le monarque et ses conseillers, autrement dit avec Gaveston. L’ayant questionné plus avant, je découvris que Geoffrey Lanercost et les autres Aquilae Petri étaient réunis dans la roseraie du prieur pour fêter le récent retour d’Écosse de Lanercost. Un frère lai nous conduisit en ce paisible lieu plein de charme avec ses massifs de fleurs, ses pelouses, ses carrés entretenus avec soin, ses tonnelles et ses allées ombragées. Au centre, un cercle de dalles blanches offrait des bancs garnis de coussins et de moelleuses banquettes d’herbe. À proximité, l’eau d’une fontaine sculptée en arbre de Jessé retombait dans une vasque de pierre grise où de petites carpes dorées filaient parmi les feuilles fraîches.
    Les cinq Aquilae étaient assis là, bavardant et riant avec le frère Stephen Dunheved qui jouait de la viole. Le dominicain s’amusait à imiter et à ridiculiser les chanteurs professionnels qui souriaient ou grimaçaient selon la chanson qu’ils interprétaient. Dunheved excellait en cet art. Il n’y avait pas là que les Aquilae. Oh oui, dans ces premiers mois de 1312, j’en vins à mieux connaître ce trio infernal, ces suppôts du Malin, incarnation même de la fausseté, les Beaumont ! Henry, son frère Louis et leur sœur Isabella, mieux connue sous le nom de Lady Vesci après son mariage de pure forme avec un infortuné hobereau. Les Beaumont, ayant dans les veines du sang royal anglais, français, espagnol et sicilien, étaient les enfants gâtés de l’Europe. La rumeur ajoutait qu’ils avaient aussi du sang de Satan. Ils pouvaient, s’ils le voulaient, se montrer amènes, courtois, chevaleresques et courageux. C’étaient des chats, qui vous léchaient les joues mais vous griffaient le dos. Ils auraient mis l’Enfer à sac pour une pièce d’or et écorché une rosse pour un liard.
    Ce jour-là, le clan des Beaumont était donc regroupé dans la roseraie. Henry portait un bliaud vert arborant des fleurs de lis dorées sur une chemise de batiste immaculée, au col, aux manchettes et à la ceinture en drap d’or ; des chausses noires gainaient ses jambes musclées et il était chaussé de bottes de Castille, encore équipées d’éperons. Lady Vesci, vêtue d’une robe bordée d’argent et ornée du même emblème héraldique, un manteau violet foncé sur les épaules, avait serré sa chevelure dans une guimpe blanche surmontée d’un voile bleu clair. Elle

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