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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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sur l’un des Noctales. La mort avait rendu sa figure balafrée plus hideuse encore, ses lèvres entrouvertes souillées de sang laissant voir ses chicots noirâtres.
    — Tu ne tueras plus ! lui chuchotai-je.
    — Reculez ! s’écria Ausel qui avait saisi une hache de guerre au pommeau de sa selle.
    Je me retournai.
    — Leurs biens ? demandai-je. Allez-vous les dépouiller… ?
    — Et quoi ? ricana-t-il. Pour les vendre à York ? Non, je veux qu’Alexandre de Lisbonne voie ce que j’ai fait. Alors partez.
    Il désigna nos chevaux.
    — Demontaigu, emmenez votre dame. Elle ne pourra se souvenir de ce qu’elle n’aura pas vu.
    Il se redressa.
    L’Enfer a dévoré ces pécheurs comme le loup dévore l’agneau. Les suppôts de Satan rempliront leurs bouches béantes de plomb en fusion. J’entends donner à Lisbonne un avertissement clair de ce qui l’attend : lui aussi fondra comme cire au feu.
    Il se parlait presque à lui-même et son visage en général aimable était pâle et tendu.
    Bertrand me prit par le bras et me conduisit un peu plus bas dans le sentier, là où nous avions entravé nos montures. Je voulus regarder derrière moi, mais il me poussa quasiment de force dans un fossé entre les ajoncs épars. Je m’installai sur un rocher. Il prit sa petite gourde et me fit boire quelques gorgées, puis nous attendîmes en silence. Des bruits montaient de la sente. Peu à peu la peur me quitta. Je pris conscience du goût du vin dans ma bouche, de la lourdeur de mes jambes. Les arbres et les buissons de la lande s’inclinaient sous le vent. Je sentis un mélange de sueur de cheval, de cuir et de parfum de fleurs sauvages. Un cormoran cria ; les croassements rauques des corneilles qui décrivaient des cercles lui répondirent. Le temps passait. Demontaigu, assis, les yeux fermés, marmonnait une prière en silence. Ausel nous rejoignit. Il s’était fait un tablier des vêtements de l’un des trépassés. Il déchira ces habits ensanglantés et les jeta dans les broussailles.
    — J’en ai terminé, murmura-t-il. C’est fini.
    Bertrand rassembla les chevaux et nous nous remîmes en selle. Ausel annonça à haute voix que les Noctales devaient encore être lancés à la poursuite des autres. Il avait raison. Chevauchant sans encombre dans la lande déserte, nous parvînmes à un village et nous faufilâmes dans une rangée de carrioles qui apportaient à la cathédrale des denrées provenant de ses lointaines fermes. Mes compagnons se trouvaient en tête et devisaient. Je glissai doucement dans un demi-sommeil dont le vacarme environnant me tira. Nous étions arrivés à la grande porte de Micklegate. Nous débouchâmes dans la rue principale et passâmes le pont sur l’Ouse. Des mendiants se pressaient sur les marches de la chapelle Saint-Michel, à l’entrée du pont. L’un d’entre eux se jeta en avant, se saisit de la bride de la monture d’Ausel et implora l’aumône. Je remarquai qu’il était très fort, très musclé, que sa peau avait été brunie par le soleil d’outre-mer plutôt que par le vent glacé d’York. C’était sans nul doute un templier déguisé qui transmettait des renseignements. Ausel chercha un penny, le lui lança puis reprit son chemin.
    Nous laissâmes nos chevaux aux écuries de La Route de Damas , une imposante hostellerie accueillant les pèlerins. Précédée d’une vaste cour pavée, elle était flanquée de jardins fleuris. La grand-salle était haute de plafond ; point de fouillis de jonchée desséchée au sol ; découpées en losanges, les dalles noires et jaunes luisaient de propreté. Au fond se trouvait un long comptoir de chêne poli qui brillait à la lumière des lampes à huile vierge et des chandelles en pure cire d’abeille. Tonneaux et barriques cerclés de frêne, de coudrier et de fer étaient rangés contre un mur. Les jambons fumés pendus aux larges poutres du plafond remplissaient la pièce d’une alléchante odeur. Nous primes une table dans un coin. Un petit oriel ouvrait sur le courtil. Je me souviens fort bien de ces détails. Quelques membres des guildes, des voyageurs aisés et des pèlerins formaient la clientèle. L’hôtelier portait un chapeau de feutre et un tablier de tissu propre. Des serviettes blanches immaculées se croisaient sur sa poitrine. Il en avait encore deux autour de ses solides poignets afin de ne pas se salir les doigts. Il prit notre commande : des chopes de bière, des bols ambrés de

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