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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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lorsque nos amis sont arrivés hier soir. Une sentinelle les a prévenus et ils ont cerné leurs victimes.
    Demontaigu était convaincu. Il désigna la crête.
    — Nous pourrions y remonter pour observer les environs, mais cela les alerterait. Il vaudrait mieux que nous partions aussi vite que possible.
    — Pourraient-ils nous attaquer ici ?
    — Non, affirma Bertrand en resserrant la boucle de son ceinturon. Nous sommes trop nombreux, armés et sur nos gardes. Ils espèrent que nous reprendrons le même chemin ; alors ils nous piégeront. Ils attendront, tout équipés pour le combat.
    Je pensai aux Noctales : une troupe d’assassins, de mercenaires, la lie de différentes villes, armés comme des soldats. Ils étaient accompagnés de chiens de guerre, d’énormes mastiffs aux dents acérées, aux mâchoires redoutables et à l’épais cou musclé garni d’un collier à pointes. C’était une horde rapide de cavaliers, de fils de Caïn.
    Demontaigu montra du doigt les abords du creux.
    — Allons prévenir les autres. Il serait plus prudent de rentrer par des sentiers différents. Quand nous aurons quitté la lande et atteint les villages, les Noctales renonceront. Ils ne veulent pas de témoins à leur boucherie.
    Il rassembla en hâte la petite troupe. Il fit taire protestations et objections en faisant remarquer que leur salut se trouvait dans la promptitude et non dans le combat. Il fallait que le groupe se disperse, cherche à rejoindre des bandes de vendeurs ambulants ou les villages écartés puis se retrouve à York. On l’approuva sans tergiverser. Estivet chuchota une brève bénédiction et nous remontâmes tous à cheval dans le gai tintement des harnais, le craquement du cuir et le menaçant crissement des armes prêtes à être dégainées. Estivet murmura une autre bénédiction. Ausel y répondit avec vigueur en souhaitant que les langues des démons percent les âmes des Noctales et qu’ils grillent en Enfer comme du lard l’éternité durant. Cette saillie fit naître quelques sourires. Après nous être serré la main, avoir échangé des adieux, et ramené nos montures au bord du Trou du Diable, nous nous séparâmes dans une course effrénée et désespérée.
    Demontaigu et Ausel étaient à mes côtés alors que nous quittions les lieux, à la file, dans un tonnerre de sabots et un tourbillon de poussière. Le vent froid me fouettait le visage. Je ne voyais plus ni le sol ni mes deux amis. Mon univers se réduisait au martèlement des sabots et à une perception accrue du danger. Le sang tambourinait à mes oreilles, ma gorge se serrait comme si j’allais étouffer. J’agrippai les rênes et murmurai une prière devant la brusque et périlleuse tournure qu’avaient prise les événements. Je dus me souvenir que j’étais domicella reginae, et pourtant je fuyais pour sauver ma vie dans cette région déserte aussi noire que l’âme des êtres qui me pourchassaient. Des assassins qui m’égorgeraient à quelques lieues seulement de la chambre du roi. Je finis par me calmer. Je me demandai même si je ne m’étais pas trompée. C’est alors que j’ouïs le glas des jappements des grands chiens de guerre, un son à glacer l’âme, qui paraissait remonter du fond des grottes infernales. Nos chevaux ralentirent. Nous fîmes halte au sommet d’une colline pour regarder derrière nous. Je retins un hoquet de terreur ; ce n’était pas le moment de se laisser aller. Une scène de cauchemar se déroulait au-dessous de nous. Des hommes s’enfuyaient, ombres rapides dans la bruyère mouchetée de soleil ; surgissant des bois proches, d’autres déferlaient en se divisant alors que la meute de chiens choisissait déjà ses proies. Plus terrifiant encore : précédant ou côtoyant chaque groupe de cavaliers, ces noires silhouettes, les énormes mastiffs des Noctales se ruaient à l’attaque. La panique m’envahit. Quatre cavaliers et un chien s’étaient lancés à notre poursuite. Demontaigu les regarda, ses doigts gantés aux lèvres comme s’il allait vomir. Ausel, lui, se pencha sur sa selle, plissa les yeux et claqua de la langue.
    — Si nos montures, déclara-t-il en flattant l’encolure de la sienne, ne sont pas aussi rapides que les leurs, elles sont pourtant plus robustes et ont le pied plus sûr. Ces cavaliers ne parviendront pas à nous acculer ; c’est pour cela qu’ils ont pris des chiens. Ils vont se rapprocher, effrayer nos chevaux et les blesser

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