Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
matin, à huit heures, sera pendu par le col au gibet de ladite Croix-du-Trahoir, jusqu’à ce que mort s’ensuive.
    Les juges se retirèrent.
    Les quelques badauds qui avaient assisté à l’audience, à leur tour, s’en allèrent en commentant l’indulgence des juges qui, comme on disait et comme on dit encore, passèrent un mauvais quart d’heure.
    Le scélérat – nous voulons dire Jacquemin Corentin – fut saisi par les gardes.
    Cela forma un groupe à la tête duquel se mirent deux hommes, le premier qui marchait devant, tout de noir habillé, le deuxième tout vêtu de rouge.
    Le noir avait une tête de vieux renard, et, du haut de son gosier, criait de distance en distance :
    – Place à la justice du roi !
    Le deuxième avait une figure de bouledogue, et ne disait rien : c’était le bourreau.
    Jacquemin Corentin fut entraîné au-dehors et « quoi que l’heure présente eût d’horreur et d’ennui », contempla avec ravissement le ciel lumineux, aspira avec délices l’air pur et froid.
    – Place à la justice du roi ! cria l’homme noir.
    – Des flans ! Tout frais, tout chauds ! Qui veut des flans ! cria une marchande de la rue.
    Et ce fut le cri appétissant de la marchande de flans qu’entendit Jacquemin, et ce fut vers elle qu’il tourna un œil allumé, un nez mélancolique. Il soupira. Car il adorait le flan, ce grand flandrin de Corentin, ce pur indigène de la rue Saint-Denis, le flan qui, aujourd’hui encore, est fort estimé du badaud et fait la fortune de maint père Coupe-Toujours.
    Et ainsi, tout soupirant de regrets, les narines pleines des émanations du flan tout frais, tout chaud, ultime délice, il s’en allait vers la Croix-du-Trahoir… vers la mort ! Ceci se passait dans l’après-midi du jour où Clother de Ponthus reçut la matinale visite de Jacques Aubriot et où, ayant lu le message qui ne contenait que ce mot : « Venez », il se mit en route vers l’hôtel d’Arronces.

IV
 
LE PILORI DE LA CROIX-DU-TRAHOIR
    Situé non loin de la place de Grève, en plein centre parisien, le pilori de la Croix-du-Trahoir était aussi populaire, aussi visité que celui de la Halle. Il se composait d’une massive bâtisse de maçonnerie surélevée de cinq à six pieds ; c’était une plate-forme à laquelle on accédait par une échelle et sur laquelle on attachait les gens qu’il s’agissait de désigner à la vindicte publique.
    Il était naturellement flanqué d’une potence, en sorte que l’exposé, quand il devait, par surcroît, subir la peine de la hart, se trouvait tout porté sur le lieu du supplice.
    C’est là que Jacquemin Corentin fut amené, suivi d’une foule de curieux qui le huait.
    – Allons, monte ! grogna près de lui la voix du bourreau.
    Jacquemin frissonna en se voyant au pied du pilori ; puis, poussant un soupir, monta lentement, et quand il fut sur la plateforme, il s’éleva autour de lui une telle huée qu’il se fût bouché les oreilles s’il n’eût eu les mains liées.
    Ne pouvant se boucher les oreilles pour ne pas entendre, il ferma les yeux pour ne pas voir.
    Il sentit qu’on pesait sur ses épaules, et il se trouva assis sur une sorte de lourd billot de bois, derrière quoi se dressait un poteau.
    À ce poteau, il fut solidement attaché par la main du bourreau.
    Puis Jacquemin entendit que, au-dessus de sa tête, sur le poteau, on clouait quelque chose ; c’était une grande pancarte sur laquelle, en caractères lisibles, était écrit le mot qui expliquait au peuple les motifs de la condamnation :
    POLYGAMIE
    Le bourreau, sa besogne faite, s’en alla.
    Deux gardes, au pied du pilori, commencèrent leur faction.
    La foule s’écoula ; mais, à chaque instant, des groupes nouveaux se formaient, et Jacquemin Corentin, parmi les mêmes éclats de rire, s’entendait alors poser les mêmes questions, auxquelles il n’avait garde de répondre.
    Le soir vint, la nuit commença à descendre sur Paris et à envelopper de ses ombres le pilori de la Croix-du-Trahoir. Jacquemin entendit une voix qui le fit tressaillir, qui excita sa fureur, qui, dans sa misère, lui sembla la plus misérable et la plus insultante. Une voix narquoise, une voix avinée, une voix qu’il ne connaissait que trop lui demandait :
    – Est-ce qu’il est vrai ?…
    – Quoi ? fit-il dans un cri de rage.
    – Allons, dit la voix. Dis-le. C’est le moment, ou jamais ! Avoue qu’il est faux…
    – Quoi ? hurla Jacquemin.

Weitere Kostenlose Bücher