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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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aussi l’heure de la soif !
    Il est certain qu’ils ne concevaient la reconnaissance que sous forme de brocs à vider.
    – Heu ! fit Jacquemin. Par une incompréhensible fatalité, il est défendu de boire quand on n’a pas plus d’argent… comme si on faisait payer aux arbres la pluie qui les désaltère !
    – À l’Âne-Marchand, on fait crédit, observa Pancrace avec empressement.
    – Le couvre-feu est sonné…
    –  L’Âne-Marchand ouvre toute la nuit à qui sait lui braire la chanson qu’il faut.
    – Oui, fit Lurot pensif et grave, mais c’est rudement près de la Croix-du-Trahoir. Ne tentons Satan que lorsque nous sommes sûrs de lui arracher les cornes s’il ose bouger.
    – Arrivez ! conclut Bel-Argent avec rondeur. Je vais vous mener, proche le Temple, en un trou d’enfer où, sur ma recommandation, crédit sera fait à ce flandrin qui veut absolument nous abreuver. Suivez-moi.
    – Où est-ce ? s’enquirent Lurot et Pancrace.
    – Au Bel-Argent.
    – Connu !… En route !
    Ils se mirent en marche, l’oreille ouverte, les yeux écarquillés, rasant les murs, flairant de loin les rondes, saluant au passage d’un mot ou d’un signe de reconnaissance, les groupes qui, pour de mystérieuses besognes, se tenaient à l’affût dans les ténèbres des ruelles…

V
 
BRÈVE APPARITION DE DON JUAN ET LA SURPRISE QU’IL ÉPROUVA
    – Croyez-vous qu’il sera pendu ? reprit don Juan Tenorio.
    – Non pas, répondit le comte Amauri de Loraydan. J’ai sur moi les lettres de grâce que le roi m’a accordées non sans peine. Je vous ferai remarquer que c’est un vrai gaspillage d’influence. Pourquoi arracher à ce bélître la cravate de chanvre à laquelle il avait des droits positifs ?
    – Hé ! je tiens à mon valet ! Et puis, mon cher comte, ce Jacquemin mourrait désespéré de me laisser seul au monde, car il a entrepris de sauver mon âme. Pourquoi ne pas lui permettre de poursuivre cette œuvre pie ?
    – N’en parlons plus. Votre valet vous sera rendu demain. Le gouverneur du Châtelet est avisé. Voici les lettres royales qui assurent la vie et la liberté de cet animal. Prenez-les. Je n’en ai que faire. Et maintenant, songez que l’heure de Léonor va sonner. Êtes-vous prêt ?
    L’heure de Léonor ! Le mot avait on ne sait quoi de sinistre.
    « L’heure du truand ! » avait dit Pancrace.
    Ceci se passait à l’auberge de la Devinière, dans la fort belle chambre qu’y occupait Juan Tenorio.
    Don Juan allait et venait. Il s’arrêta devant Loraydan qui, assis dans un fauteuil, le considérait avec une sombre impatience.
    – Ô femmes ! que d’angoisses, que de clameurs de souffrance, que de haines, que de malédictions dans le sillage de chacune de vous ! Que faisons-nous, comte ? Que faisons-nous sur cette terre où tout sourire est une trahison, tout serment un parjure ? Nous venons, nous passons, météores de l’horreur, écrasant de la vie pour vivre, semant la mort à chacun de nos gestes, nous passons, livides jouets de quelque fatalité à jamais inconnaissable, ignorant même que nous sommes simplement d’inconscients destructeurs lâchés à travers d’impossibles bonheurs, vaine fumée qui fuit devant nos pas… nous passons, éphémères créateurs de malheur, tâchant à nous défendre nous-mêmes de la douleur que nous épandons et à laquelle nous ne pouvons nous soustraire… Et puis, fatigués d’engendrer de la détresse et d’en subir, tout stupides d’arriver si vite au bout, nous plongeons soudain dans l’immensité morne des océans du néant… Comte, cher comte, ah ! que je voudrais mourir ! Pourquoi attendre ? Quelques années… quelques secondes…
    – Adieu, Juan Tenorio ! dit brusquement le comte de Loraydan qui se leva et jeta son manteau sur ses épaules. Mourez à votre aise, et arrosez-vous de vos propres larmes. Quant à moi, j’ai mon bonheur, c’est-à-dire ma vie à assurer. J’ai eu tort de compter sur vous pour le départ de Léonor d’Ulloa. Je m’occuperai donc seul de ce départ. Adieu !
    Don Juan eut un sourire narquois et continua :
    – Grâce à mes frivoles discours, comte, vous avez atteint la demie de minuit sans éprouver sur vos épaules l’effroyable pesée du temps, et c’était l’essentiel. Remerciez-moi donc, et partons !
    Et, tout en endossant une sorte de pourpoint en cuir épais, tout en bouclant une lourde rapière et en assurant une forte dague à son

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