Le Roi amoureux
se dirigea vers la porte de la salle d’honneur.
Et tout à coup il s’arrêta court, soudain courbé, l’esprit en tumulte, le cœur battant à se rompre.
Cette porte s’ouvrait…
Léonor parut…
Elle s’avança vivement vers lui, la main tendue, et elle disait :
– Soyez le bienvenu, seigneur de Ponthus, et pardonnez-moi l’attente qu’on vous a imposée comme à un inconnu… J’étais en prières, à la chapelle de l’hôtel… le digne Jacques Aubriot a cru bien faire de ne point m’interrompre et d’attendre que j’eusse terminé pour m’aviser de votre arrivée… Santa Virgen ! Quelles terribles gens que les serviteurs trop zélés !
Clother s’inclinait en une attitude de respect que décorait une noble simplicité… en réalité, il s’enivrait de la présence et de la voix de Léonor.
– Asseyez-vous, sire de Ponthus, et puisque voilà bien des jours que nous ne nous sommes vus, parlons de vous, de ce que vous faites à Paris, de ce que vous comptez entreprendre…
Ponthus jeta un clair regard sur cette Léonor d’Ulloa qu’il adorait en secret… et il se dit que rien n’existerait pour lui au monde, pas même son amour, tant qu’il n’aurait pas obéi à l’ordre de la lettre trouvée dans la poignée de l’épée, tant qu’il n’aurait pas mis au jour la cassette de fer qui contenait l’histoire de sa mère… tant qu’il n’aurait pas fouillé la chapelle de l’hôtel d’Arronces !…
Il se raidit donc contre ce charme qui l’envahissait, il affermit son attitude et sa voix :
– Madame, dit-il, quant à ce que je dois entreprendre dans la vie, je ne puis rien décider avant d’avoir accompli une besogne pour l’exécution de laquelle il est nécessaire que je parle à votre noble père le commandeur d’Ulloa…
Clother vit distinctement que Léonor pâlissait…
Il en éprouva comme une douleur aiguë, mêlée de vague terreur.
Mais il lui sembla entendre la voix de Philippe de Ponthus, sévère et grave :
« La cassette, Ponthus ! Songez à la chapelle de l’hôtel d’Arronces !… »
Et il acheva :
– Avant toute chose, donc, j’ai dû songer à me présenter en cet hôtel. Et maintenant, madame, j’ose vous prier de me ménager une entrevue immédiate avec ce noble seigneur à qui seul je puis confier le but de ma démarche.
Léonor se leva, et Clother l’imita aussitôt, en proie à un indéfinissable trouble devant la pâleur soudaine de ce charmant visage bouleversé par une douleur dont il ne soupçonnait pas la cause. Léonor murmura :
– Vous voulez voir mon père ?
– Je le désire, madame, balbutia Clother… Il est nécessaire que je lui explique…
– Vous ne savez donc pas ?…
– Je ne sais pas ? fit Clother éperdu. Mais… non, madame… De quoi s’agit-il ?…
Léonor étouffa un soupir. Ses yeux s’emplirent de larmes. Elle reprit plus fermement :
– Vous voulez voir Sanche d’Ulloa ?
– Oui, madame… Dès tout à l’heure… Le plus tôt possible…
– Eh bien, venez ! dit Léonor.
Léonor prit Clother par la main, l’entraîna doucement hors de la salle d’honneur, et ce fut ainsi qu’ils marchèrent unis pour la première fois, comme si le Destin les eût placés ainsi devant la vie qui s’ouvrait à eux, comme s’il leur eût signifié que, la main dans la main, appuyés l’un sur l’autre ils devaient entreprendre le rude voyage… et tous deux ignoraient qu’ils fussent destinés l’un à l’autre… et tous deux ignoraient aussi pourquoi du fond de leurs âmes ravies montait vers le ciel un chant de pure allégresse.
Léonor ayant suivi un couloir s’arrêta devant une porte surmontée d’une croix.
– Voici, dit-elle, la chapelle de l’hôtel d’Arronces.
– La chapelle de l’hôtel d’Arronces ! frissonna Clother.
Et en une suite de pensées rapides comme ces éclairs qui se succèdent, se confondent, se mêlent en une vision exorbitante, il imagina que, puisqu’il avait été appelé, lui, LE COMMANDEUR, LUI AUSSI AVAIT ÉTÉ PRÉVENU !… que Sanche d’Ulloa l’attendait dans la chapelle pour lui dire : « Clother de Ponthus, ici gît le secret de votre mère… Cherchons-le ensemble ! »
Léonor ouvrit la porte… ils entrèrent… D’une allure plus vive, elle l’entraîna, elle le conduisit jusqu’au milieu de la chapelle… jusqu’à l’endroit même où se trouvait enterré le secret de Ponthus, et Clother alors,
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