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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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m’attaquer au grand jour, peur de mesurer son épée avec la mienne ! Ce gentilhomme félon à qui, du temps de mon père, on eût arraché ses éperons de chevalier, à qui, ensuite, pour une aussi vile action, on eût coupé ras la chevelure, cet homme, seigneur Ulloa, s’appelle Amauri de Loraydan, et pour foi de ce que j’avance, je le défie à toutes armes et l’appelle au jugement de Dieu jusqu’à ce que mort s’ensuive.
    Léonor frissonna.
    Sur la rigide statue du commandeur, elle fixa un étrange regard, et, malgré elle, comme emportée par le flot des sentiments déchaînés dans son esprit, elle prononça :
    – Ô mon père, avez-vous entendu la terrible accusation que porte Clother, sire de Ponthus, contre Amauri, comte de Loraydan ?…
    Mais déjà, Clother poursuivait :
    – Sous le faux prétexte d’une loyale explication, j’ai été attiré en un hôtel sis à Paris, dans le chemin de la Corderie par un gentilhomme que, devant tous, devant vous-même, seigneur Ulloa, j’avais insulté. Une fois dans l’hôtel, par surprise et traîtrise, j’ai été enfermé en une chambre close, par ce même gentilhomme qui m’a condamné à mourir par la faim et la soif parce qu’il avait peur de choquer son fer contre le mien, peur d’un combat au soleil. Et cet homme à qui, pour un tel acte, on eût, au temps des chevaliers, arraché son épée pour la faire briser sur un échafaud par la main du bourreau, cet homme, monseigneur, c’est encore Amauri, comte de Loraydan. C’est moi, Clother de Ponthus, qui l’accuse de cette félonie, et me déclare prêt à soutenir mon accusation contre tout venant, par telles armes que choisira le contradicteur…
    Et se tournant vers Léonor, d’une voix émue, comme s’il eût attendu le jugement qui allait décider de sa vie ou de sa mort :
    – Ce n’est pas seulement devant votre noble père que je porte ces accusations, c’est encore, c’est surtout devant vous. Et puisse la statue du commandeur se dresser à l’instant pour m’infliger un démenti si j’ai, en quoi que ce soit, faussé la vérité.
    – C’est bien, seigneur de Ponthus. Je tiens vos accusations pour justes et valables, et je vous offre mes actions de grâces pour m’avoir évité l’infamie de porter, ne fût-ce qu’un jour, un nom déshonoré.
    Si les morts peuvent entendre et comprendre, le commandeur Ulloa couché sur les dalles de la chapelle dut ratifier les paroles de sa fille… Mais si les morts entendent ce que disent les vivants, une morte dormait aussi dans cette chapelle, qui dut sourire dans sa tombe comme savent sourire les mères quand l’aube du bonheur se lève sur le cœur de l’enfant bien-aimé.
    Est-ce que vous aviez entendu, Sanche d’Ulloa ?
    Est-ce que vous aviez entendu, Agnès de Sennecour ?…
     
    Il ne fut rien convenu entre Clother de Ponthus et Léonor d’Ulloa. Mais tout avait été convenu, du fait de leurs attitudes. Ils n’avaient pas échangé un mot d’amour : toutes leurs paroles avaient été un chant d’amour. Ils ne s’étaient rien promis : mieux que par les solennels serments, ils avaient engagé leur foi… on les eût bien étonnés l’un et l’autre en leur disant que ce jour, ils avaient célébré leurs fiançailles, mais chacun d’eux portait en son cœur la certitude qu’il s’était à jamais donné.
    Après cette rapide scène de la chapelle que nous avons retracée à grands traits – bien imparfaits, nous le craignons – Clother de Ponthus sortit de l’hôtel d’Arronces, et, à grands pas, sans avoir d’ailleurs aucun motif de tant se hâter, reprit le chemin de la rue Saint-Denis. Il ne se disait pas qu’un souffle d’allégresse le portait, et qu’il marchait comme ces héros de la Grèce qui escaladaient l’Olympe pour voir comment on vivait chez les dieux, il ne se disait pas qu’il montait au bonheur et que, pour la première fois, il donnait un sens à la vie, il ne se disait pas que jamais il n’avait vu sur sa tête un ciel aussi radieux, et autour de lui, des visages aussi heureux, aussi bienveillants aux passants qu’il croisait, non, il se disait tout simplement qu’il se sentait un appétit d’enfer… et s’il marchait aussi vite, c’est qu’il lui semblait que la Devinière était bien loin, et qu’il eût voulu déjà être assis à table…
    Le fait est qu’il avait grand-faim…
    Ah ! il avait faim à manger comme deux, et soif à boire comme

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