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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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surprit.
    Il s’approcha doucement, demeura quelques instants silencieux, puis :
    – À quoi songes-tu, ce soir ? fit-il en souriant. Je te le demande, mais c’est pour la forme, je connais ta réponse, va.
    Elle se mit à rire.
    – C’est vrai, dit-elle. Je pensais à lui. À qui penserais-je ? Vous et lui, voilà le monde de ma pensée. Je regardais ces fleurs. La dernière fois qu’il est venu, tandis qu’il vous parlait, debout, dans la salle d’honneur, sa main, d’un geste machinal, a caressé le bouquet que j’avais placé sur une table, et j’ai remarqué que cette main avait effleuré ces violettes ; alors, je les ai prises, et je les garde en souvenir de cet heureux moment.
    Les yeux, les doux yeux de Bérengère se reportèrent sur les fleurettes.
    Puis elle referma doucement le livre d’heures.
    – Oui, dit Turquand avec un inexprimable attendrissement qu’il prenait peut-être dans une fugitive vision de son propre passé, oui, ce sont là, dans la vie, les meilleurs, les plus précieux souvenirs. Plus tard, bien plus tard, quand tu seras sa femme depuis des années, quand quelque chagrin viendra gonfler ton cœur et tes paupières, ce sont peut-être ces humbles fleurs depuis longtemps desséchées qui t’apporteront la consolation en te ramenant à une minute où tu as connu le bonheur.
    Il se tut un instant, puis, avec plus de gravité :
    – Quant au comte de Loraydan, je le crois digne de toi. Aime-le, aime-le de toutes tes forces, car c’est à force d’amour qu’une femme se fait aimer…
    – Mon père, dit-elle timidement, je crois… oui, je crois qu’il m’aime.
    – Qu’en sais-tu ? demanda-t-il gaiement.
    Turquand, du même ton de joyeuse malice, continuait :
    – Eh ! par la Vierge et par les saints, tu sais qu’il t’aime parce que tu le sais, voilà tout. Et bien sot je suis de te demander ce que tu en sais. D’ailleurs, il te veut pour épouse. Quoi de mieux ? Voici bientôt février… et le vingtième jour de février, le mariage doit se faire, c’est juré, c’est écrit… tu seras comtesse !
    À ces derniers mots, cet homme probe, énergique, intelligent, se sentit rougir de plaisir et de joie ; c’était là la plaie secrète de son esprit. Il croyait qu’avec le titre de comtesse, Bérengère serait plus heureuse. Ou du moins, il s’affirmait qu’il le croyait.
    Quelques minutes encore se poursuivit le paisible entretien de Turquand et de Bérengère.
    Il en était ainsi tous les soirs…
    Puis Bérengère gagna sa chambre, et Turquand se rendit dans une sorte d’atelier qu’il avait aménagé dans le logis.
    Là, il redevint lui-même : un pur artiste passionné pour l’œuvre angoissante et délicieuse de la traduction des rêves d’un cerveau créateur, par l’audacieuse habileté de la main. Là il passa en revue ses travaux terminés ou ébauchés, des plats où se développaient de véritables romans de chevalerie, des gobelets sur lesquels s’enlaçaient de capricieuses visions, et surtout une aiguière dont il modelait alors la cire. Longtemps il l’étudia, la contempla, et il murmura :
    – Ce sera le couronnement de ma vie…
    À ce moment, il entendit un bruit sur le chemin de la Corderie, quelque chose comme le roulement sourd d’une litière en marche.
     
    Une minute, – et Turquand fut hors le logis. Distinctement, il entendit le grincement des roues, un piétinement de chevaux, il y avait là une troupe de gens. Quelles gens ? Pourquoi ? Pour qui ? Un instant il espéra que la troupe s’éloignait, passait là simplement par hasard. Mais non : les gens s’arrêtèrent net à cent pas environ au-delà de l’hôtel d’Arronces et du logis Turquand.
    Il pouvait être minuit…
    Les sourcils froncés, la figure contractée par la haine et la fureur, Turquand gronda :
    – Si Médarde a trahi, je l’égorge. Et quant au roi, qu’il vienne, qu’il entre, ce digne roi ! Qu’il fasse enfoncer ma porte ! Et demain, le roi de France ne s’appellera plus François I er .
    Le long des haies, d’un pas souple et rapide, il s’avança invisible dans les ténèbres, sans le moindre bruit – bientôt il atteignit un tournant du chemin et il put distinguer que la litière avait fait volte-face, l’avant dirigé maintenant dans la direction de l’hôtel d’Arronces. Elle était arrêtée. Les chevaux soufflaient. Une quinzaine d’hommes, les uns à pied, les autres à cheval, se tenaient aux abords

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