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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Juan pourra se retrouver sur votre chemin, je suis son ennemi à outrance. Quoi que vous en pensiez, ajouta-t-il, j’ai le pressentiment que j’aurai à le combattre pour rendre libres devant vous les voies que vous aurez choisies…
    – Je ne le crains pas, dit-elle, avec fermeté. Je n’en puis dire autant d’un autre…
    – Un autre ? murmura Clother, le cœur soudain serré.
    – Un autre ! Moins redoutable par lui-même que Juan Tenorio, parce que je le crois incapable des mêmes violences, de la même mauvaise foi, de la même impudence. Selon les apparences, il est bon gentilhomme. De don Juan, il n’a ni la sauvage hardiesse, ni la même force de mensonge. Depuis la mort de mon père, il vient ici chaque jour pendant quelques minutes, et à chacune de ses visites, j’ai dû apprécier son parfait respect et sa haute courtoisie ; il a mis son épée à ma dévotion contre Tenorio pour venger la mort du commandeur ; il m’assure qu’il est tout prêt à m’obéir, même si ma décision va à l’encontre de celle de mon père et de celle de l’empereur… c’est mon fiancé, seigneur de Ponthus, c’est celui que don Sanche d’Ulloa m’a destiné pour époux ; c’est celui que je dois épouser non seulement de par la volonté de l’empereur appuyée par le commandement du roi de France, mais encore et par ordre du mort, la volonté sacrée de mon père !
    Clother de Ponthus écoutait… et il lui semblait que son rêve de bonheur s’écroulait. Tout bas, dans un souffle, il murmura :
    – Vous redoutez cet homme… pourquoi ?
    – Je vous l’ai dit : parce qu’il représente la volonté de mon père. Ah ! je vous l’assure, l’ordre de l’empereur compterait peu pour moi… mais l’ordre de mon père… mort sous mes yeux !… Vivant, j’eusse tâché de le convaincre. Mort… que puis-je ? dites, seigneur de Ponthus, que puis-je contre le commandeur Ulloa ?
    Et Clother, écrasé de stupeur et d’effroi, le cœur broyé par la plus effroyable angoisse, Clother, ô Clother, fils du noble Philippe de Ponthus, combien gracieux et joli fut votre geste quand, refoulant vos larmes, et brisant d’un mot votre jeune vie pour obéir à l’honneur, vous répondîtes :
    – C’est vrai. Vous ne pouvez rien ; puisque votre père a commandé, vous devez obéir !
    Presque aussitôt, il ajouta :
    – Si un homme au monde était digne de vous, cet homme le plus digne… le seul qui pût vous mériter, votre père l’a connu, apprécié et choisi.
    – Je ne puis rien ?… je puis du moins mourir le jour même où, pour obéir au vœu de mon père mort, j’accepterai de porter le nom de ce gentilhomme.
    Il y eut entre eux un grand silence… on ne sait quoi de solennel, comme si chacun d’eux eût compris que d’irrévocables paroles venaient d’être dites et eût pris à témoin les puissances du ciel qu’à jamais il venait d’engager sa foi… tous deux étaient de ceux qui se donnent une fois… une seule fois en leur vie… une fois… et c’est tout !
    Seulement, au bout de quelques instants, Clother, doucement, demanda :
    – Puis-je, sans vous offenser, vous demander le nom de ce gentilhomme que le commandeur Ulloa jugea seul digne de vous ?
    Et elle répondit :
    – Amauri, comte de Loraydan.
     
    À l’instant Clother de Ponthus fut debout.
    Il lui sembla qu’il chancelait sous le coup d’une joie trop puissante.
    Une joie ? Quelle joie ?…
    La joie d’apprendre le nom du loyal gentilhomme choisi par le commandeur Ulloa, comme seul digne d’épouser Léonor ! La joie de savoir, tout à coup, que Sanche d’Ulloa s’était trompé ! que Léonor pouvait, devait même désobéir au vœu du mort, puisque ce loyal gentilhomme s’appelait Amauri de Loraydan !
    Du même geste gracieux et spontané, qu’avait eu Léonor, à son tour, il saisit sa main, et doucement, l’entraîna, la conduisit jusqu’à la chapelle, et s’arrêtant devant le sarcophage :
    – Cher seigneur, dit-il, le jour où vous m’avez ramassé mourant dans une maison écartée, sur la grande route qu’infestent les estafiers, je venais d’être assailli par deux hommes dont l’un est mort, mais dont l’autre est vivant et peut témoigner que je dis ici l’exacte vérité. Or, monseigneur, ces deux truands étaient à gages, et s’ils tentèrent de me meurtrir, c’est qu’ils avaient été payés pour cela ! Payés par un gentilhomme, qui avait eu peur de

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