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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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quatre.
    Clother de Ponthus entra à la Devinière, et, dans le bruit joyeux des gobelets choqués, des rires, des interpellations bruyantes, dans ce vivant décor des tables étincelantes, chargées de venaisons fumantes, encadrées de visages enluminés, attaqua bravement les plats que lui présentait M me  Grégoire…
     
    Il est certain toutefois que son esprit suivait une piste nettement tracée, car nous le retrouvons chez lui, vers le soir, assis près de la fenêtre, pestant contre Bel-Argent qui ne se montrait pas et dont il était obligé de faire la besogne. (Il ne se souvenait plus qu’il lui avait donné liberté pour toute la journée, et nos lecteurs savent le bel usage que fit de cette liberté ledit Bel-Argent.) Cette besogne consistait pour le moment à fourbir une dague.
    C’était un fort beau brin d’acier solide, acéré – une arme terrible.
    Clother venait d’en aiguiser la pointe sur un cuir saupoudré de grès en poussière, et maintenant il la polissait au moyen d’une peau plus douce, légèrement humectée d’huile.
    Quand il en eut fini avec la dague, à son entière satisfaction, il saisit son épée, qui reposait en travers du lit, et recommença sur elle la même opération. Puis, satisfait de ce nouveau travail, il la plia, l’essaya, en fouetta l’air, s’assura que la poignée lui était bien en main, et finalement la remit en place, en murmurant :
    – Épée de Ponthus, sois-moi fidèle ! C’est à moi, maintenant, de défendre Léonor !
    Et avec une sorte d’enivrant orgueil :
    – À moi seul !
    Et, pour la centième fois depuis qu’il était rentré chez lui, il jeta les yeux sur un papier qu’il avait étalé sur sa table. Parmi les embryons de lettres et autres signes bizarres comme peut en tracer un enfant, ces mots, au haut de la page, avaient été écrits par une main maladroite ou hésitante : Clother de Ponthus.
    Et beaucoup plus bas, ce seul mot : Venez.
    C’était le message que le matin même de ce jour lui avait apporté l’intendant de l’hôtel d’Arronces.
    Près de ce papier, tout ouvert également sur la table, il y en avait un autre qu’il se mit à relire.
    Et c’était la double relation de dona Silvia et de Jacques Aubriot.
    – Il est évident, murmura Clother, quand il eut terminé, que l’épouse de Juan Tenorio a eu une sorte d’hallucination. Elle a pu écrire le message se trouvant en cet état d’étrange sommeil qui, dit-on, permet aux somnambules d’accomplir tous les actes de la vie sans qu’intervienne leur volonté. Quant à l’intendant, le hasard l’aura conduit devant la Maison-Blanche, au moment où cette noble dame cherchait un messager. Quoi qu’il en soit, béni sois-tu, message mystérieux, qui m’as attiré à l’hôtel d’Arronces, et m’a fait connaître le bonheur de vivre !
    Puis, peu à peu, venant à repasser sa vie comme on fait dans les heures difficiles où il semble qu’on éprouve le besoin de souffler et de mettre de l’ordre dans la pensée, il en vint à songer à son voyage au castel de Ponthus, à la lettre qu’il avait trouvée dans la poignée de l’épée, et il se dit :
    « Le secret de Ponthus est maintenant gardé par la statue du commandeur. Mais je me suis juré de parvenir jusqu’à la cassette de fer. C’est mon droit, c’est mon devoir. Quoi ! Puis-je donc entreprendre quoi que ce soit, et même la défense de Léonor, avant de connaître ma mère, de lire peut-être quelque recommandation suprême qu’elle m’aura faite à la minute de sa mort ?… Je dois fouiller sous le sarcophage de la chapelle. Il le faut. Dès demain… Oh ! pourquoi dès demain ? Pourquoi pas dès cette nuit ?… Pourquoi pas tout de suite ?… »
    Le temps avait glissé, léger et rapide comme ces eaux vives qui courent sans bruit, saluées au passage par des roseaux qui se penchent sur elles.
    Clother entendit sonner onze heures.
    Le bronze, dans le vaste silence de la nuit, retentit à son oreille comme une voix qui appelle… Il se décida brusquement.
    – Allons ! dit-il.

VIII
 
LE SIGNAL D’ALARME
    Vers le début de cette nuit où Clother prit la résolution de se rendre aussitôt à l’hôtel d’Arronces, messire Turquand, selon son invariable coutume quotidienne, mit son logis en état de siège, et en prépara la défense avec autant de soin que s’il eût eu la certitude d’être attaqué par une force armée.
    Après une dernière visite générale qui

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