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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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gens auront accompli leur besogne, je partirai. J’arriverai à temps, sans aucun doute. »
    Il était désespéré.
    Il savait que c’était lui et non un autre qu’on venait chercher. Il savait qu’il allait être arrêté. Dans une crise de douleur qui lui broyait le cœur, il se criait :
    « Elle est perdue ! Elle est perdue ! »
    Car toute la question, toute la catastrophe était là : lui pris ou tué, Léonor était perdue. Avec l’effrayante rapidité que l’imagination des sensitifs acquiert à chaque tournant un peu brusque du chemin de la vie, il la vit au pouvoir de Loraydan. Il la vit se débattre contre Juan Tenorio comme dans le parc de l’hôtel d’Arronces. Il vit ses larmes. Il entendit qu’elle l’appelait à son secours. Cette horrible minute fut une agonie de désespoir auquel se mêla la poignante jalousie de son amour. La vision fut si abominable qu’il se mordit le poing, et une imprécation gronda dans sa poitrine. L’éclair de la folie traversa sa tête en feu, et d’une voix furieuse, d’une voix de dément, dans la nuit, il hurla :
    – Loraydan ! Loraydan ! Loraydan !
    – J’y suis ! répondit une voix lointaine, empreinte d’une joie féroce. J’y suis, Ponthus ! Un peu de patience, je viens, je viens !…
    Chose assez bizarre : Clother n’entendit pas cette voix – pas plus qu’il ne s’était entendu lui-même appeler Loraydan. Il se disait :
    « Mais qui, qui donc a pu me trahir ? Bel-Argent ? Peut-être. Ces deux-là ? Peut-être. Chimères ! Vaines chimères ! Qu’importe qui m’a trahi ! Je me suis trahi moi-même, voilà ! Gardez-vous ! Oh ! gardez-vous des puissances de malheur qui sont aux mains de Loraydan ! Je ne me suis pas gardé. Je n’ai pas été assez convaincu que ma vie et ma liberté appartiennent à Léonor. Je n’ai pas assez aimé. Le misérable en tout cela, c’est moi ! »
    Ayant frappé, il rentra dans la salle de la taverne, dont la porte aussitôt fut refermée et verrouillée.
    Alcyndore vint à lui :
    – Que vous arrive-t-il ? Vous portez le masque de la mort…
    – La rue est cernée par des gens du grand prévôt, dit Ponthus, machinalement.
    Alcyndore se tourna vers Lurot et Pancrace endormis ; elle les examina.
    – Non, fit-elle, ce ne sont pas ceux-là. Et puis, peu importe au fond.
    Elle songeait. Elle étudiait Ponthus immobile et comme frappé d’horreur, tantôt pareil à un spectre, tantôt le visage pourpre, selon la vision qui passait sur l’écran.
    – Vous n’êtes pas homme à redouter le cachot, la torture ou la mort, dit-elle lentement. Et je vous vois désespéré. Il y a un amour sous votre désespoir.
    – Oui ! dit Clother dans un souffle, avec cet immense soulagement de pouvoir dire à un être quelconque ce oui en quoi se condensait toute sa vie.
    Et, regardant autour de lui comme s’il eût cherché sa voie :
    – Si j’avais la fortune du roi, je la donnerais pour ne mourir que demain…
    – Vous pensez que c’est vous qu’on vient arrêter ? demanda Alcyndore.
    – J’en suis sûr !
    – Que puis-je pour vous ?
    Ce mot ranima Clother. Cette affreuse surexcitation qui l’affolait tomba d’un coup.
    – Une plume, dit-il. Du papier. De l’encre. Vite…
    Alcyndore se hâta. Clother écrivit :
    Madame, vous pouvez vous fier à l’homme qui vous remet cette dépêche. Je vous demande de partir à l’instant, sans m’attendre, je vous rejoindrai dès que possible. Si vous pensez que vous êtes ma vie, si vous croyez que vous devez vous conserver pour moi comme je crois que j’ai le devoir de me conserver pour vous, madame, vous m’écouterez. Si vous partez, vous me sauvez. Entendez-moi, même sans me comprendre ; ce n’est pas vous que votre départ sauve, c’est moi.
    CLOTHER.
    Il plia le papier, le cacheta sans hâte, en gestes précis.
    Et ce papier il l’enferma dans un autre sur lequel il écrivit :
    Bel-Argent, attends-moi jusqu’à minuit près de la porte du Temple. Si tu ne m’as pas vu à minuit sonnant, rends-toi avec la litière à l’hôtel d’Arronces, remets à la dame d’Ulloa la dépêche ici incluse, et mets-toi à sa disposition pour le voyage qui doit être entrepris sur l’heure même, sans aucune hésitation. Bel-Argent, si tu m’obéis aveuglément, je te devrai la vie. Si tu hésites et que je vive assez pour te retrouver je suis résolu à te brûler la cervelle.
    CLOTHER, sire de Ponthus.
    Il se relut.

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