Le Roi amoureux
prévôt demanda :
– Au nom du roi, Clother, sire de Ponthus est-il ici ?
– Il y est, dit Joli-Frisé. Le voilà bien lui-même, le digne seigneur.
Et, Clother, de sa place :
– Qui parle ici au nom du roi ?
– Moi, Honoré-Juste Le Prieur de Croixmart, grand prévôt royal. Clother, sire de Ponthus, est-ce vous ?
Loraydan fit trois pas rapides, se plaça à côté du grand prévôt et dit :
– C’est lui !
– Loraydan.
Ce fut un cri terrible qui jaillit de la poitrine du Clother.
– Moi ! dit Loraydan.
La même crise de rage et de désespoir se déchaîna dans l’esprit de Clother. Il se ramassa pour bondir. Et dans le même instant, comme il vit que Croixmart faisait un signe aux gardes et se reculait, il comprit la manœuvre, et qu’on l’attirait dehors, il s’arrêta court.
D’un geste de foudre, il tira sa rapière. Et il dit :
– Seigneur, grand prévôt et vous, messieurs qui portez l’épée des gentilshommes, écoutez-moi : j’accuse de félonie Amauri, comte de Loraydan, ici présent. Devant vous, je lui dis qu’il n’a pas le droit de porter les éperons, ni l’épée. Messieurs, j’accuse de lâcheté le comte de Loraydan. Que, s’il veut se relever de cette accusation, je le défie à outrance, sur l’heure et le lieu. Si je suis tué le but de votre mission sera rempli. Si je le tue, je jure de me rendre aussitôt prisonnier. Loraydan, voici l’épée de Ponthus qui t’attend.
Loraydan essuya son front ruisselant de sueur, et d’une voix rauque, répondit :
– Un peu de patience, sire de Ponthus ! Je viendrai à mon heure !
Mais alors, Loraydan disparut aux yeux de Ponthus, comme disparut aussi le grand prévôt.
Dans l’encadrement de la porte, ce fut le héraut qui se présenta et qui déroula un parchemin qu’à la lueur d’une torche tenue par le Fossoyeur dont le visage était inondé de larmes, il se mit à lire :
« Au nom du roi,
Par ordre de Mgr Croixmart, grand prévôt,
Nous, Pierre Arnaud, crieur-juré, dûment mandaté,
Faisons savoir à tous et toutes :
« Primo : Est déclaré traître et rebelle le sieur Clother seigneur de Ponthus, lequel est convaincu d’avoir porté atteinte à la dignité du roi, et pour ce accusé du crime de lèse-majesté.
« Secundo : Tous sergents de la prévôté ou du guet de la ville sont tenus de saisir ledit sieur en quelque lieu qu’il se trouve et de le livrer à la justice royale ; tous sujets et habitants de cette bonne ville sont tenus de courir sus au dit sieur et de le livrer.
« Tertio : Quiconque sera convaincu d’avoir donné asile audit sire de Ponthus ou d’avoir tenté de le soustraire aux recherches des exempts et sergents sera au même titre déclaré traître et rebelle et soumis au même châtiment.
« Quarto : Un denier de trois cents écus d’or sera compté ès mains de quiconque aura livré vivant ledit sieur Clother, seigneur de Ponthus, et moitié seulement de cette somme à quiconque l’aura livré mort. »
Le tertio et surtout le quarto furent lus d’une voix plus lente et plus forte.
Le héraut se retira.
Le grand prévôt, de nouveau s’avança.
Une minute, il attendit, dans le silence de mort qui avait envahi la rue et l’auberge. On entendit seulement quelques croisées que les bourgeois de la rue avaient ouvertes, lesquels bourgeois voyant de quoi il s’agissait, se hâtaient de refermer le plus doucement possible.
Qu’attendait donc Croixmart ?
Il avait du premier coup d’œil, compté les clients du Porc-qui-Pique. Bien entendu, d’un seul coup d’œil aussi il avait vu à quelle redoutable catégorie appartenaient ces clients nocturnes paisiblement attablés en dépit des rigoureux règlements du couvre-feu… il les reconnut… c’étaient de hauts personnages de la cour des Miracles… des comtes, des marquis, des ducs du royaume d’Argot.
Il attendait donc… eh bien ! il attendait que trois ou quatre de ces braves clients sautassent sur Clother de Ponthus et vinssent lui réclamer les écus d’or promis.
La minute s’écoula dans un formidable silence.
Le grand prévôt haussa les épaules et dit :
– Sire de Ponthus, vous rendez-vous à l’ordre du roi ?
– J’ai défié un homme à outrance, dit le sire de Ponthus. Que penserait de moi le roi qui est un bon gentilhomme si, volontairement, je m’allais terrer en l’une de ses prisons ?
– Patience ! cria Loraydan.
– Attention,
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