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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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échapper. Elles se posèrent l'une sur son front, l'autre sur sa bouche, plus douces qu'il ne l'eût cru, presque caressantes. En quelques instants, sa gorge cessa de le faire souffrir, son nez se dégagea, et une force nouvelle se répandit dans tout son être. Pourtant, il fut incapable de se redresser, de bouger ne fût-ce qu'un bras, un doigt. Ses tremblements irrépressibles ne l'avaient pas déserté.
    — Ne pouvez-vous guérir sa fièvre, sire ? interrogea Haisia, surprise.
    — Je l'ai fait. Il l'eût fait lui-même s'il savait quels pouvoirs sont siens. La fièvre qui l'habite à présent n'est pas du corps mais de l'esprit, et contre cela, la magie de la nature ne peut rien. (L'étrange personnage s'écarta de la couche.) Lave-le et rhabille-le.
    Obéissante, la jeune femme s'agenouilla auprès de Philippe. Ce dernier sentit à nouveau de tendres mains parcourir son corps, sans équivoque, cette fois, munies d'une étoffe humide. Elles lui rappelaient celles des servantes qui s'occupaient de sa toilette lorsqu'il était enfant – à ceci près qu'il en montait une forte odeur de sève. Quand elle eut achevé d'effacer sur sa peau la sueur et les traces verdâtres abandonnées par les liens vivants, Haisia lui remonta ses braies et entreprit de lui passer sa chemise puis ses autres habits. Il se laissa faire sans réagir, conscient que les deux créatures ne lui voulaient pas de mal mais trop choqué pour sortir de son apathie. Bien qu'il ne sentît plus le froid, il grelottait toujours.
    — C'est bien, approuva l'homme une fois que sa compagne eut à grand peine remis les heuses aux pieds du garçon. À présent, trouve-moi des vêtements de paysan ou de bûcheron, que je puisse le reconduire chez les siens.
    Inclinant la tête, elle disparut derrière la tenture.
    Philippe, les yeux clos, s'était de nouveau recroquevillé sur le lit, oubliant ce qu'il y avait subi. Il ne put s'empêcher de frémir quand l'inconnu s'assit à son chevet.
    — Tu trouveras en toi la force de guérir, assura la voix profonde. Cela te demandera peut-être du temps, mais tu es assez intelligent et volontaire pour surmonter l'épreuve. As-tu compris qui je suis ? Qui nous sommes ?
    Le garçon ne répondit pas. Il pensait avoir compris, oui, en tout cas l'essentiel, mais il eût voulu chasser cette connaissance de son esprit. Et plus que tout, de toutes ses forces, il eût voulu cesser d'écouter, rentrer chez lui, dormir. Pour l'heure, il n'était plus l'héritier du trône de France, il était redevenu un enfant, un tout petit enfant qui avait envie de s'enfouir entre les bras de sa nourrice et de pleurer tout son soûl. Ce vœu si simple, à l'évidence, ne serait pas exaucé.
    — Je suis le roi de mon peuple, tout comme, bientôt, tu seras le roi du tien, continuait celui qu'il écoutait malgré lui. Et sais-tu pourquoi je suis le roi ? Pour la même raison que, chez les abeilles, la reine est la reine : je suis né pour cela. Tant que je vivrai, nul ne contestera mon autorité, parce que nul n'aurait la capacité de me remplacer. Il en va tout autrement de toi, Philippe. Tu seras roi parce que ton père l'est et que, chez vous, curieusement, le fils remplace le père sans qu'on se demande s'il est capable d'en assumer le rôle, sans même qu'on lui demande, à lui, s'il le désire. Mon royaume est gigantesque, le tien minuscule, mais ta tâche sera pourtant plus ardue que la mienne. Tu devras te battre chaque jour, encore et encore, pour seulement conserver ta position – et tu as pu mesurer ce soir à quel point elle est fragile, Ce trône sur lequel, depuis ta naissance, tu étais sûr de t'asseoir un jour, tu as bien failli le perdre à jamais. Je souhaite que cela te le rende plus précieux. (Il marqua une pause, comme pour laisser le temps à ses paroles de faire leur chemin en son auditeur.) Tu as un avantage en ta faveur, un avantage dont tu ne comprends peut-être pas encore bien l'importance : notre sang coule dans tes veines. Si tu en fais bon usage, il te servira.
    Philippe serra les dents à en avoir mal. Était-il besoin de lui rappeler cette monstruosité ? Ce prétendu roi ne se rendait-il pas compte que c'était cela, cela surtout, qui lui faisait honte, qui lui faisait peur ?
    De fait, il ne pouvait le concevoir car il n'avait jamais raisonné en Chrétien – mais cette différence, le garçon était quant à lui incapable de l'imaginer.
    Un léger courant d'air accompagné d'un

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