Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
Vom Netzwerk:
froissement d'étoffe annonça le retour d'Haisia.
    — Vos habits, sire. Le paysan dormait ; je les lui rapporterai avant son réveil, afin qu'il ne s'aperçoive de rien.
    — Sois remerciée, déclara son souverain, avant de conclure à l'adresse de Philippe. Le pouvoir sera tien, Capétien : à toi de décider quoi en faire.
    Puis il se leva afin de se vêtir, tandis que résonnaient encore ses dernières paroles dans la pièce – à moins que ce ne fût dans la tête de Philippe où, de même que les prières un peu plus tôt, elles se mêlaient, s'entrechoquaient en une terrifiante cacophonie. Le garçon sentit qu'il perdait pied, qu'un gouffre obscur l'aspirait, l'engloutissait, un gouffre dont il se demandait s'il sortirait un jour. Le désirait-il seulement ? Les sens émoussés, le crâne douloureux d'une soudaine migraine, ce fut à peine s'il se rendit compte que des bras puissants le soulevaient pour l'emporter hors du logis de Lysamour. La fraîcheur du soir, plutôt que de lui rendre sa lucidité, porta le coup de grâce à sa chair et à son esprit tourmentés : il perdît connaissance.
    « […] le paysan […] ramena le prince en toute hâte à
Compiègne, par un raccourci. À la suite des frayeurs dont il avait
été saisi, Philippe-Dieudonné tomba dangereusement malade, et
cet accident fit différer son couronnement jusqu'à la Toussaint. »
    Rigord, Gesta Philippi Augusti

Première partie
L'AFFIRMATION
    « Ils [les rebelles] n'ont produit que du vent,
n'ont ourdi que des toiles d'araignée. »
    Rigord, Gesta Philippi Augusti

I

1
    — Le danger, c'est l'Anjou, répétait le roi Louis sur son lit de mort.
    Philippe, presque dix ans plus tard, tandis qu'il chevauchait vers le lieu-dit Colombiers, près d'Azay-le-Rideau, songeait que s'il avait dû retenir une seule sentence de son père, c'eût été celle-là. De tous ses adversaires, Henri Plantagenêt, comte d'Anjou et roi d'Angleterre, avait été le plus opiniâtre, le plus acharné.
    Mais c'était terminé, à présent. Le vieil arbre n'avait plus de sève ; il était temps de l'abattre comme avait été abattu l'orme de Gisors.
    La petite troupe, sortant d'une forêt délicieusement fraîche, venait de retrouver le torride soleil de juillet qui cuisait à petit feu la campagne tourangelle déjà dévastée par les armées. Malgré la cotte d'armes en cendal clair censée les protéger de la chaleur, les cavaliers suaient à grosses gouttes sous leur haubert et leurs chausses de mailles. Les heaumes demeuraient attachés aux selles : s'il était toujours possible de se heurter à une bande de mercenaires désœuvrés, l'heure n'était plus au combat mais à la négociation.
    Philippe, en tête des quatre chevaliers – dont l'évêque de Beauvais, que rien ne distinguait extérieurement des autres – et de la quinzaine de sergents choisis pour l'accompagner, chevauchait au côté de l'homme sans qui, certainement, il ne se fût pas trouvé là en ce jour, victorieux. Richard, fils de son vieil ennemi et d'Aliénor d'Aquitaine – celui que le chroniqueur gallois Giraud de Barri surnommait déjà Cœur de Lion.
    Le roi des Français et le comte de Poitiers se ressemblaient physiquement, même si Philippe était un peu moins grand, un peu moins large d'épaules, un peu moins roux que Richard. Pour le reste, on n'eût pu rêver deux hommes plus différents. L'un était prudent, l'autre téméraire ; l'un savait maîtriser son impulsivité naturelle, la tempérer de réflexion, l'autre lui donnait libre cours ; l'un méprisait les jeux et les divertissements futiles, l'autre se régalait de tournois et de poésie. L'un avait la passion du gouvernement, l'autre celle de la guerre.
    Un détail supplémentaire les séparait – et non des moindres.
    L'un descendait d'une créature inhumaine ; il s'en cachait, L'autre, disait-on, était issu des amours d'un de ses ancêtres et de Mélusine ; qu'il crût ou non à cette légende, il lui arrivait de s'en vanter, de justifier ainsi ses violences et ses passions.
    Pourtant, ces deux êtres si dissemblables avaient su former une alliance efficace. Par la ruse et par la force, ils avaient bataillé côte à côte des mois durant – et le but, enfin, leur apparaissait tout proche.
    — Je gage dix marcs d'argent qu'il ne viendra pas, s'exclama soudain Richard, la mine réjouie, tandis qu'ils dépassaient les restes fumants d'une ferme, à quelque distance de la route.
    Philippe

Weitere Kostenlose Bücher