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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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contemplait ce spectacle sans plaisir. Saccage, pillage, incendie… telles étaient les principales composantes de la guerre, plus importantes même que le combat. Les armées dévastaient les terres ennemies, semant la ruine et la mort sur leur passage, mais évitaient avec soin de se rencontrer. Sinon pour quelques escarmouches ou lors des sièges de places fortes, les soldats ne se battaient pas entre eux : quand les grands se querellaient, c'étaient les petits qui souffraient.
    — Je ne gage, moi, rien du tout. Mais je crois qu'il viendra. Il n'a pas le choix.
    Le roi n'aimait pas la guerre. Il la considérait comme un mal nécessaire, n'hésitait jamais à la faire, voire à la déclarer quand les circonstances l'exigeaient, mais il ne l'aimait pas.
    Philippe, au mois d'août, aurait vingt-quatre ans. En moins d'une décennie sur le trône, il était parvenu à s'assurer la fidélité de ses grands feudataires, dont l'orgueil, naguère, le disputait à la puissance ; il s'apprêtait à terrasser le dernier et le plus important. Sa tâche n'était pas achevée, loin de là, mais ce qu'il avait accompli n'était pas une mince victoire pour un jeune souverain que nul ne prenait au sérieux lors de son avènement.
    Il se revoyait alors, à peine sorti de l'enfance, trop tôt placé par la maladie de son père à la tête d'un royaume minuscule que cernaient les fiefs de grands seigneurs censés lui rendre hommage – en fait indépendants. Les comtes de Blois et de Champagne, le comte de Flandre, le duc de Bourgogne… Le comte d'Anjou, surtout, qui réunissait aussi sous sa houlette l'Aquitaine et la Normandie, sans parler de l'Angleterre. Tous plus riches, plus puissants, plus expérimentés que lui. Tous prêts à le dévorer, à l'écraser, s'il menaçait leurs privilèges.
    La partie avait été rude, mais il l'avait gagnée. Parfois, il s'en étonnait encore. Il n'y avait pourtant pas eu de miracle. Pour lui, il soupçonnait qu'il n'y en aurait jamais…
    Une forte odeur de brûlé – bois, paille et chair – imprégnait l'air, couvrant celle de la poussière que soulevaient les chevaux. Des corbeaux tournaient dans le ciel, taches noires mouvantes sur l'azur, piquant parfois vers le sol le temps d'arracher quelques lambeaux à un cadavre humain ou animal. Le cliquètement sonore des sabots sur la route ne parvenait pas à noyer leurs cris rauques qui rythmaient de manière presque comique la chanson de troubadours fredonnée par un Richard enjoué.
    Philippe ne sentait ni n'entendait plus rien. À peine distinguait-il les champs entrecoupés de petites forêts s'étendant autour de lui. Perdu dans des souvenirs qui étouffaient ses sens, il avait de nouveau quatorze ans.
    « Nous [les Plantagenêts] venons du diable et nous retournerons
au diable ! »
    Attribué à Richard Cœur de Lion par Giraud de Barri

2
    Par une froide matinée de la fin janvier, trois mois presque jour pour jour après son couronnement, le jeune roi tint conseil en son palais de la Cité.
    Tous ceux de ses proches qui résidaient présentement à la cour avaient été convoqués et, à une notable exception près, tous se trouvaient réunis avant même que les cloches n'eussent sonné Tierce (2) .
    La vaste salle qui servit ce jour-là au conseil était aussi sombre que l'humeur de ses occupants. La lumière du jour ne s'y infiltrait qu'à travers le papier huilé obstruant les fenêtres, pauvrement suppléée par trois chandelles disposées sur la longue table et par le feu entretenu dans la cheminée – feu qui peinait encore plus à éclairer la pièce qu'à la réchauffer.
    Dans cette demi-obscurité, la reine mère, assise sur un banc, au plus près de la chaise où prendrait place son fils en bout de table, demeurait immobile. Adèle de Champagne avait les yeux mi-clos. Ses lèvres pincées, entourées de rides disgracieuses, privaient de sa beauté finissante cette femme à la mine sévère encore accentuée par sa mentonnière et le voile blanc assorti d'un cercle d'argent dissimulant ses cheveux. Malgré le corps toujours ferme qu'on devinait sous le corselet ajusté de son bliaud, elle paraissait vieillie avant l'âge. Les bonnes âmes en accusaient le désespoir que lui causait la perte prochaine de son époux ; les mauvaises invoquaient des raisons variées, dont la plus charitable était sa crainte d'être écartée du pouvoir sitôt Louis VII passé de vie à trépas.
    À son côté, drapé dans sa

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