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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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robe
brodée de perles. Elle ne tenait de sa mère que son front bombé, rond, presque
buté. Mais elle était blonde, avec un nez mince, de longs cils battant sur des
yeux clairs, et elle pouvait être aussi bien de Philippe d’Aunay que du roi de
Navarre. Sur ce sujet non plus, Philippe n’avait jamais pu connaître la
vérité ; et Marguerite était trop habile pour se trahir en une question si
grave.
    Chaque fois que Philippe voyait l’enfant, il se
demandait : « Est-elle de moi ? » Il se remémorait les
dates, cherchait des indices. Et il pensait que plus tard il aurait à
s’incliner bien bas devant une princesse qui était peut-être sa fille, et qui
peut-être aussi monterait sur les deux trônes et de Navarre et de France,
puisque Louis et Marguerite n’avaient pour l’instant d’autre descendance.
    Marguerite souleva la petite Jeanne, la baisa au
front, constata qu’elle avait la mine fraîche, et la remit à la dame de parage
en disant :
    — Voilà, je l’ai embrassée ; vous pouvez
la reconduire.
    Elle lut dans les yeux de madame de Comminges que
celle-ci n’était pas dupe. « Il faut me débarrasser de cette veuve »
se dit-elle.
    Une autre dame entra, demandant si le roi de
Navarre était là.
    — Ce n’est point chez moi habituellement
qu’on le trouve à cette heure, répondit Marguerite.
    — C’est qu’on le cherche par tout l’hôtel. Le
roi le fait mander dans l’instant.
    — Et sait-on pour quel motif ?
    — J’ai cru comprendre. Madame, que les
Templiers ont rejeté la sentence. Le peuple s’agite autour de Notre-Dame, et
partout la garde est doublée. Le roi a convoqué conseil…
    Marguerite et Philippe échangèrent un regard. La
même idée leur était venue, qui n’avait rien à voir avec les affaires du
royaume. Les événements obligeraient peut-être Louis de Navarre à passer une
partie de la nuit au Palais.
    — Il se peut que la journée ne s’achève point
comme prévu, dit Philippe.
    Marguerite l’observa un instant et jugea qu’elle
l’avait assez fait souffrir. Il avait repris un maintien respectueux et
distant ; mais son regard mendiait le bonheur. Elle en fut émue, et se
sentit du désir pour lui.
    — Il se peut, messire, dit-elle.
    La complicité, entre eux, était rétablie.
    Elle alla prendre le papier où elle avait écrit
« prudence » et le jeta au feu en ajoutant :
    — Ce message ne convient point. J’en ferai
tenir un autre, plus tard, à la comtesse de Poitiers ; j’espère avoir de
meilleures choses à lui dire. Adieu, messire.
    Le Philippe d’Aunay qui sortit de l’hôtel de Nesle
n’était plus le même que celui qui y était entré. Pour une seule parole
d’espoir, il avait repris confiance en sa maîtresse, en lui-même, en
l’existence entière, et cette fin de matinée lui semblait radieuse.
    « Elle m’aime toujours ; je suis injuste
envers elle », pensait-il.
    En franchissant le corps de garde, il se heurta à
Robert d’Artois. On aurait pu croire que le géant suivait le jeune écuyer à la
piste. Il n’en était rien. D’Artois, pour l’heure, avait d’autres problèmes.
    — Monseigneur de Navarre est-il en sa
demeure ? demanda-t-il à Philippe.
    — Je sais qu’on le cherche pour le Conseil du
roi, dit Philippe.
    — Le veniez-vous prévenir ?
    — Oui, répondit Philippe pris de court.
    Et aussitôt il pensa que ce mensonge, trop
aisément vérifiable, était une sottise.
    — Je le cherche pour le même motif, dit
l’Artois. Monseigneur de Valois voudrait l’entretenir auparavant.
    Ils se séparèrent. Mais cette rencontre fortuite
donna l’éveil au géant. « Serait-ce lui ? » se demanda-t-il
tandis qu’il traversait la grande cour pavée. Il avait aperçu Philippe une
heure plus tôt dans la Galerie mercière, en compagnie de Jeanne et de Blanche.
Il le retrouvait maintenant à la porte de Marguerite… « Ce damoiseau leur
sert-il de messager, ou bien est-il l’amant d’une des trois ? Si cela est,
je ne tarderai pas à en être averti. »
    Car madame de Comminges ne manquerait pas de le
renseigner. En outre, il avait un homme à lui chargé de surveiller, la nuit,
les abords de la tour de Nesle. Les filets étaient tendus. Tant pis pour cet
oiseau au joli plumage s’il venait à s’y faire prendre !
     

VI

LE CONSEIL DU ROI
    Le prévôt de Paris, accourant tout
essoufflé chez le roi, avait trouvé celui-ci de bonne humeur. Philippe le Bel
était

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