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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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occupé à admirer trois grands lévriers qui venaient de lui être envoyés
avec la lettre suivante, où se reconnaissait sans peine une plume
italienne :
     
    « Moult aimé et redouté roi,
notre Sire,
     
    Un mien neveu, tout pénitent de son
forfait, m’est venu confesser que ces trois chiens à lièvre qu’il guidait ont
heurté Votre Seigneurie dans son passage. Si indignes qu’ils soient de Lui être
présentés, je ne me sens point suffisance de mérite pour les conserver
davantage, maintenant qu’ils ont touché si haute et puissante personne telle
qu’Elle est. Ils me sont arrivés depuis peu, par la trafique de Venise.
Adoncques, je requiers en grâce Votre Seigneurie de les recevoir et les tenir,
pour ce qu’il Lui plaira, en gage de très dévotieuse humilité.
     
    SPINELLO TOLOMEI,
Siennois. »
     
    — L’habile homme que ce
Tolomei ! avait dit Philippe le Bel.
    Lui qui refusait tout présent ne
résistait pas à accepter des chiens. Il possédait les plus belles meutes du
monde, et c’était flatter sa seule passion que de lui faire don de chiens de
courre aussi magnifiques que ceux qu’il avait devant les yeux.
    Tandis que le prévôt lui expliquait
ce qui s’était passé à Notre-Dame, Philippe le Bel avait continué de
s’intéresser aux trois lévriers, de leur relever les babines pour examiner
leurs crocs blancs et leur gueule noire, de palper leur poitrine profonde au
pelage couleur de sable. Des bêtes directement importées d’Orient, sans aucun
doute.
    Entre le roi et les animaux, les
chiens surtout, il existait un accord immédiat, secret, silencieux. À la
différence des hommes, les chiens n’avaient point peur de lui. Et déjà le plus
grand des trois lévriers était venu poser la tête sur le genou de son nouveau
maître.
    — Bouville ! avait appelé
Philippe le Bel.
    Hugues de Bouville, le premier chambellan,
homme d’une cinquantaine d’années, aux cheveux curieusement partagés en mèches
blanches et en mèches noires qui le faisaient ressembler à un cheval pie, était
apparu.
    — Bouville, qu’on assemble sur
l’heure le Conseil étroit.
    Puis congédiant le prévôt, en lui
laissant entendre qu’il jouait sa vie s’il se produisait le moindre trouble
dans la ville, Philippe le Bel était resté à méditer en compagnie de ses
chiens.
    — Alors, mon Lombard,
qu’allons-nous faire ? avait-il murmuré en caressant la tête du grand
lévrier, lui donnant ainsi son nouveau nom.
    Car on appelait Lombards,
indistinctement, tous les banquiers ou marchands originaires d’Italie. Et
puisque ce chien venait de l’un d’eux, le mot s’était imposé au roi, comme
allant de soi, pour le désigner.
    Maintenant, le Conseil étroit était
réuni, non pas dans la vaste Chambre de Justice, qui pouvait contenir plus de
cent personnes et qu’on utilisait seulement pour les Grands Conseils, mais dans
une petite pièce attenante, où un feu brûlait.
    Autour d’une table longue, les
membres de ce Conseil restreint avaient pris place, pour décider du sort des
Templiers. Le roi siégeait au haut bout, le coude appuyé au bras de sa
cathèdre, et le menton dans la main. À sa droite étaient assis Enguerrand de
Marigny, coadjuteur et recteur du royaume, puis Guillaume de Nogaret, garde des
Sceaux, Raoul de Presles, maître au Parlement de Justice, et trois autres
légistes, Guillaume Dubois, Michel de Bourdenai, et Nicole Le Loquetier ;
à sa gauche, son fils aîné, le roi de Navarre, qu’on avait enfin trouvé, Hugues
de Bouville, le grand chambellan, et le secrétaire privé Maillard. Deux places
resteraient vides : celle du comte de Poitiers qui était en Bourgogne, et
celle du prince Charles, le dernier fils du roi, parti le matin pour la chasse
et qui n’avait pu être joint. Il manquait encore Monseigneur de Valois, qu’on
avait envoyé quérir à son hôtel et qui devait y comploter, comme à son habitude
avant chaque conseil. Le roi avait décidé qu’on commencerait sans lui.
    Enguerrand de Marigny parla le
premier. Ce tout-puissant ministre, et tout-puissant de par son entente
profonde avec le souverain, n’était pas né noble. C’était un bourgeois normand,
qui s’appelait Le Portier avant de devenir sire de Marigny ; il avait
suivi une carrière prodigieuse qui lui valait autant de jalousie que de
respect. Le titre de coadjuteur, créé pour lui, en avait fait l’ alter ego du roi. Il avait quarante-neuf ans, une carrure solide, le

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