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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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agresseurs poussa un cri :
    — Alerte, compagnons,
alerte !
    L’arrivant s’était abattu dans la
mêlée, et l’on vit briller l’éclair d’une épée courte.
    — Ah ! Marauds !
Pendards ! Butors ! s’écria-t-il d’une voix puissante, en distribuant
les coups à la volée.
    Les escarpes s’écartèrent comme
mouches devant ses moulinets.
    L’un des tire-laine passant à sa
portée, il l’empoigna par le col et le jeta contre le mur. Toute la troupe
détala sans demander son reste, et le bruit d’une course précipitée décrut le
long des fossés. Puis ce fut le silence.
    Philippe d’Aunay, haletant, avança
vers son frère.
    — Blessé ? demanda-t-il.
    — Non, dit Gautier, hors
d’haleine lui aussi, en se frottant l’épaule. Et toi ?
    — Non plus. Mais c’est miracle
d’en être sortis.
    Ensemble, ils se tournèrent vers
leur sauveur qui revenait vers eux, rengainant son épée. Il était de grande
taille, large, puissant ; un souffle brutal s’échappait de ses narines.
    — Eh bien ! Messire, lui
cria Gautier, nous vous devons un beau cierge. Sans vous, nous n’aurions pas
tardé à flotter le ventre en l’air. À qui sommes-nous redevables…
    L’homme riait, d’un rire large et
gras, un peu forcé. Le vent poussait les nuages et les effilochait devant la
lune. Les deux frères reconnurent le comte Robert d’Artois.
    — Eh ! Par dieu,
Monseigneur, c’était donc vous ! s’écria Philippe.
    — Eh ! Par diable, mes
damoiseaux, répondit l’homme, mais je vous reconnais aussi ! Les frères
d’Aunay ! s’écria-t-il. Les plus jolis garçons de la cour. Du diable si je
m’attendais… Je passais sur la rive, j’entends la rumeur qui s’y faisait ;
je me dis : « Voici sûrement quelque paisible bourgeois qu’on
détrousse. » Il est vrai que Paris est infesté de coupe-jarrets, et que ce
Ployebouche de prévôt… Ployecul devrait-on l’appeler… est plus occupé à lécher
les orteils de Marigny qu’à assainir sa ville.
    — Monseigneur, dit Philippe,
nous ne savons comment vous assurer d’assez de grâces…
    — Petite affaire ! dit
Robert d’Artois en abattant sa patte sur l’épaule de Philippe, qui en chancela.
Un plaisir pour moi. C’est le mouvement naturel de tout gentilhomme que de se
porter au secours des gens qu’on attaque. Mais l’agrément est double lorsqu’il
s’agit de seigneurs de connaissance, et je suis bien aise d’avoir conservé à
mes cousins Valois et Poitiers leurs meilleurs écuyers. Mon seul regret est
qu’il ait fait si sombre. Ah ! Si la lune s’était plus tôt montrée,
j’aurais aimé découdre quelques-uns de ces trousse-gousset. Je n’ai point osé
piquer vraiment, de crainte de vous trouer… Mais dites-moi, mes damoiseaux, qu’aviez-vous
à muser dans ce fangeux réduit ?
    — Nous… nous promenions, dit
Philippe d’Aunay, gêné.
    Le géant éclata de rire.
    — Vous vous promeniez ! Le
bel endroit, et la belle heure pour ce faire ! Vous vous promeniez… dans
la boue jusqu’aux fesses. Ils vous ont de ces dires ! Et ils veulent qu’on
les croie ! Ah ! Jeunesse ! dit-il jovialement en écrasant de
nouveau l’épaule de Philippe. Toujours en quête d’amour, et le haut-de-chausses
en feu ! Il est beau d’avoir votre âge.
    Soudain il aperçut leurs aumônières
qui scintillaient.
    — Mâtin ! s’écria-t-il. Le
haut-de-chausses en feu, mais joliment décoré ! Bel ornement, mes
damoiseaux, bel ornement.
    Il soupesait l’aumônière de Gautier.
    — Habile travail… Précieuse
matière. Et brillant neuf… Ce ne sont point des payes d’écuyers qui permettent
de s’offrir de pareilles bougettes. Les tire-laine n’auraient pas fait mauvaise
affaire.
    Il s’agitait, gesticulait, tout
roussâtre dans la demi-clarté, énorme, tapageur et graveleux. Il commençait à
irriter sérieusement les nerfs des deux frères. Mais comment dire à qui vient
de vous sauver la vie qu’il se veuille mêler de ce qui le regarde ?
    — L’amour paie, mes gentillets,
continua-t-il tout en marchant entre eux. Il faut croire que vos maîtresses
sont de bien hautes dames, et bien généreuses. Les jeunes d’Aunay ! Qui
aurait pu croire cela !…
    — Monseigneur se trompe, dit
Gautier assez froidement. Ces bourses nous viennent de famille.
    — Tout juste, j’en étais sûr,
dit d’Artois. D’une famille qu’on vient visiter, à près de minuit, sous les
murs de la tour de

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